miroir ; http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/02/22/autisme-c-est-la-psychiatrie-qu-on-attaque_1646802_3232.html

Autisme : c'est la psychiatrie qu'on attaque
Point de vue | | 22.02.12 | 14h29 o Mis à jour le 23.02.12 | 10h19

par Jean-François Rey, philosophe

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Un rapport de la Haute Autorité de santé (HAS) qui doit être rendu public le 6 mars dénonce, dans sa conclusion, la non-pertinence de l'approche psychanalytique et de la psychothérapie institutionnelle dans le traitement de l'autisme, certes, et on risque de ne pas en rester là. C'est l'humanité même de la psychiatrie qui est condamnée. La pratique du "packing", longtemps utilisée dans le traitement des psychoses de l'adulte, repose sur l'enveloppement humide qui permet au patient souffrant d'un morcellement du corps propre de retrouver de l'intérieur son enveloppe corporelle.

Est-ce bien cette pratique qui suscite les cris de haine de la part des associations de parents d'enfants autistes ? Les témoignages de ceux qui en auraient été les bénéficiaires ne seront même pas entendus. Le pédopsychiatre Pierre Delion, dont on ne dira jamais assez la gentillesse et l'esprit d'ouverture, est la victime d'une véritable persécution ; cette campagne de haine n'a cessé de gonfler jusqu'à sa convocation devant le Conseil de l'ordre. Cette douloureuse affaire ne fait qu'augmenter le niveau d'angoisse où nous jette déjà une crise sociale et morale alimentée de toutes parts : si le scientisme gagne à l'aide d'arguments et de pressions non scientifiques, alors le désert croît. Si la psychiatrie n'est plus dans l'homme, on assistera à des pratiques de contention et de répression que l'on signale déjà ici ou là.

La désolation caractéristique du vécu de la psychose est aussi une expérience qui nous guette tous : en allemand, la désolation (Verwüstung) se souvient du désert (Wüste) qu'elle traverse. Aujourd'hui, si on ne pense pas en même temps la psychiatrie et la culture, on accroît la désertification. Ce qui est inédit dans cette affaire, c'est que, pour la première fois, on voit qu'un procès fait à la psychanalyse, discipline qui ne s'est jamais dérobée à la critique, débouche non pas sur une controverse scientifique argumentée mais sur une interdiction disciplinaire réclamée par des lobbies.

Encore une fois, on peut contester la prétention de la psychanalyse à la scientificité, comme l'ont fait au siècle dernier les arguments de Karl Popper, ceux de Georges Politzer ou, plus près de nous, ceux de Gilles Deleuze. Il faut insister là-dessus : la psychanalyse, discipline libérale, ne s'autorisant que d'elle-même, selon les termes de Lacan, indépendante du discours universitaire mais mobilisant toutes les ressources de la science et de la culture, n'a jamais prétendu se dérober au débat scientifique. Cette pression de l'opinion intéressée et pleine de ressentiment est une insulte à la liberté de penser et une menace pour les autres disciplines de la science et de la culture.

A côté des vociférations d'aujourd'hui, la première vague de l'antipsychiatrie des années 1970, qui charriait beaucoup de préjugés et d'analyses sommaires, n'avait pourtant pas la même tonalité de haine et de bêtise. Or, cette haine risque de parvenir à ses fins.

Certes, elle est nourrie de la souffrance de parents d'enfants autistes qui ont le sentiment d'avoir été culpabilisés par des discours peu nuancés. Menée à son paroxysme, la haine vise à soustraire l'enfant souffrant à une pratique qui vise pourtant à le soulager. L'autiste n'est pas un malade, dit la nouvelle antipsychiatrie. La maladie mentale n'existe pas, disait la première antipsychiatrie. De telles affirmations massives résonnent comme un déni de la souffrance et plus encore de l'humanité qui est ou devrait être au coeur de la clinique, si toutefois le mot même de clinique a encore un sens pour les censeurs.

Mais les arguments ont entraîné, cette fois-ci, un recours à l'appareil judiciaire et à un traitement disciplinaire là où un débat argumenté et scientifique fait défaut. Il convient donc d'informer : il existe des lieux de soin, des praticiens, qui résistent à cette dérive. Ils y résistent d'autant mieux qu'ils savent dénouer l'intrigue du scientisme et du judiciaire bâtie autour de l'autisme, mais dépassant de loin la seule question de l'autisme. Il est urgent d'avoir recours à une défense et illustration d'une psychiatrie née pendant et après la guerre qui visait à supprimer l'enfermement asilaire : soigner l'hôpital avant de soigner les malades, selon la formule du psychiatre allemand Hermann Simon, reprise par François Tosquelles.

Quand l'hôpital va mieux, certains troubles disparaissent. La psychothérapie institutionnelle qu'on dénonce aujourd'hui a une histoire à faire valoir. Je me contenterai d'en rappeler quelques principes simples. L'institution doit faire du sur-mesure : ce n'est pas au patient de s'adapter au milieu. Pour cela, le concept analytique de "transfert" est précieux. Le transfert d'un patient, schizophrène ou non, sur l'institution, que Jean Oury appelle "transfert dissocié", consiste à organiser la "rencontre" entre le patient et d'autres personnes évoluant dans les mêmes lieux : soignants, personnels de service, autres patients. Le mot même de "rencontre" est la clé de cette pratique. Pour qu'il y ait rencontre, il faut qu'il y ait liberté de circuler. Mais davantage encore, il faut que les lieux et les personnes soient assez distincts : distinguer les sujets, distinguer les lieux pour qu'ils deviennent des sites de parole, distinguer les moments contre un temps homogène et vide, distinguer des groupes et des sous-groupes dans un réseau d'activités. En un mot, résister à la tyrannie de l'homogène, face lisse du "monde administré", selon la formule de Theodor W. Adorno.

Une telle pratique de soin de l'esprit humain s'est nourrie de l'apport de la psychanalyse, sans exclusive. Mais surtout, hors du débat scientifique dont pourtant on nous prive, il faut dire l'ancrage de ce traitement. "L'homme est en situation dans la psychiatrie comme la psychiatrie est en situation dans l'homme." Ces mots du philosophe Henri Maldiney ont été illustrés dans des lieux aussi divers que la clinique de Ludwig Binswanger à Zurich, l'hôpital de Saint-Alban (Lozère) pendant la guerre ou, aujourd'hui encore, à la clinique de La Borde (Loir-et-Cher).

Va-t-on assécher l'élément humain dans lequel ces institutions baignent ? L'obsession sécuritaire présentant le patient schizophrène comme un danger, jointe au recours à la justice, va-t-elle avoir raison de ces pratiques toujours en recherche ? Nous ne pouvons nous y résoudre. Le désert croît et pourtant rien n'est joué.

 

>>> Lire aussi le point de vue du neurobiologisteYehezkel Ben-Ari, du neuroscientifique Nouchine Hadjikhani et du pédopsychiatre Eric Lemonnier : "Ni rituel psychanalytique ni réductionnisme génétique !"

Jean-François Rey est l'auteur de "La Mesure de l'homme : l'idée d'humanité dans la philosophie d'Emmanuel Levinas" (Michalon, 2001) et d'"Autour de l'enfant : questions aux professionnels" (L'Harmattan, 222 p., 22 €).

 

 

http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/lettre-ouverte-d-une-mere-d-enfant-110211

Lettre ouverte d’une mère d’enfant autiste à Edwige Antier

Mme Edwige Antier, députée et pédiatre, psychanalyste, s'est prononcée contre la proposition de son collègue Daniel Fasquelle d'interdire les prises en charges psychanalytiques de l'autisme. La proposition de loi de Mr Fasquelle est consultable ici, la réaction de Mme Antier là.

"Mère Cassandre", membre du collectif de parents EgaliTED, répond à Mme Antier dans une lettre ouverte que nous publions avec son autorisation.

Madame La député et/ou la pédiatre-psychanalyste. Madame, voyez comme il est difficile de savoir à qui l’on s’adresse quand son interlocutrice possède plusieurs titres. Je ne sais si je m’adresse au domaine politique, médical ou psychanalytique. Etant donné que vous appartenez aux trois, je ne sais en quel titre vous parlez. Vous allez très certainement me dire les trois, mais que faire quand ceux-ci sont incompatibles entre eux (du moins deux).

Vous dîtes « mon cher collègue Daniel », alors je m’imagine que c’est la femme politique qui parle. En revanche, je me demande pourquoi vous avez décidé de publier cette lettre ouverte sur un site qui s’intitule « Lacan Quotidien » avec à côté de celle-ci une affiche sur laquelle on peut cliquer – ce que je fis – et sur laquelle il y est inscrit « le psychotique et le psychanalyste ». Je reste dubitative sur la députée mais aussi sur la pédiatre que vous êtes.

Je continue sur votre lettre.

Elle commence ainsi « Je ne doute pas de ta sincérité dans la démarche qui a animé ta proposition ». Veuillez m’excuser, mais par expérience de maman d’un enfant autiste, j’ai pris pour habitude de me méfier de débuts aussi bienveillants et mesurés comme les vôtres. La suite me donne en effet et malheureusement raison.

Comme tout psychanalyste qui se respecte Madame Antier, vous reprenez Monsieur Fasquelle sur des mots ou des termes qui seraient selon vous inexacts et qui très certainement expliqueraient les errements dans sa proposition de loi audacieuse et inédite jusqu’ici.

Si vous saviez Madame Antier, et cela pourrait vous surprendre, comme nous parents d’enfants autistes, sommes heureux d’entendre le mot « autiste » sans aucune animosité ou dégoût de la bouche des personnes qui le prononce. Si vous saviez comme nous n’en avons que faire qu’on utilise les termes autisme, autistes, spectre autistique, trouble autistique, ou encore Troubles envahissants du développement. Ce qui est important à nos yeux, ce n’est pas le choix de ce terme mais ce qu’on y met dedans ou plutôt derrière.

Si vous saviez, en revanche, Madame Antier, comme les mots « psychotiques » ou encore « dysharmoniques » heurtent nos pauvres oreilles et provoquent en nous, tel un réflexe myotatique, un rejet immédiat.

Vous dîtes ensuite que ces troubles « demandent des prises en charge au cas par cas » pour appuyer vos arguments. Mais ce sont exactement ceux de Monsieur Fasquelle à la différence que ces prises en charges proposées ne se fondent pas sur des théories psychanalytiques mais sur des travaux scientifiquement validés.

« Laisser croire que les pratiques psychanalytiques sont utilisées au détriment des accompagnements comportementalistes des patients est un procès extrêmement dangereux »

Non Madame Antier, Monsieur Fasquelle ne fait rien croire, il met seulement en lumière une réalité bien triste mais néanmoins et malheureusement toujours d’actualité.

Pour la suite sur la renommée des pédopsychiatres, je vous avoue ne plus avoir la force de m’attarder dessus car si votre argumentaire repose sur la simple renommée d’untel, il me semble que tout cela n’est pas sérieux, et monsieur Esteve Freixa y Baqué l’a déjà si bien démontré que je ne le paraphraserai pas.

Oui madame Antier, les parents d’enfants autistes sont en colère. Elle est plus que légitime mais elle ne vous a pas beaucoup émue ces dernières années. En revanche, évitez madame, évitez de parler en notre nom car ce ne sont pas les « querelles de chapelles » qui freinent les diagnostics posés et les prises en charges proposées.

Non madame Antier, ce ne sont pas des « querelles », nous ne sommes pas dans une cour d’école. L’enjeu est grave. Très grave. Et quand vous évoquez le terme « chapelles » comme beaucoup de journalistes qui n’ont pas le courage de voir l’étendu de ce scandale sanitaire, vous vous méprenez et en tant que médecin. Ce n’est pas sérieux.

Tout d’abord, la médecine n’est pas une religion. Quand il y a querelle au sein d’une religion, faut-il encore que l’on parle d’une même religion. Par exemple, il existe différents courants au sein du christianisme comme au sein de l’Islam. Mais ces deux religions sont distinctes et ne se réclament ni du même livre ni du même Dieu.

La médecine et la science ne se réclament ni d’un livre ni d’un Dieu. Soyez en rassurée Madame Antier. Mais comme vous êtes médecin, il me paraît important de vous rappeler que le serment d’Hippocrate n’est plus d’actualité et qu’il a été remplacé depuis bien des années par le serment médical qui repose sur un code de déontologie médicale.

Ensuite je vous cite : « Tous les travaux et toutes les contributions sont intéressants en ce début de siècle qui sera celui des grandes découvertes sur le fonctionnement du cerveau et de ses interactions très précoces avec le monde environnant »

Tout d’abord, je ne suis pas d’accord avec vous sur le premier point. Non, je ne trouve pas intéressants tous les travaux et toutes les contributions. Si je trouve votre proposition de loi contre la fessée intéressante, je trouve en revanche la pratique du packing tout à fait révoltante et indigne dans un pays qui se dit aussi civilisé que le nôtre. C’est une tâche sur notre drapeau tricolore.

Puis les « grandes découvertes du cerveau » ont déjà commencé depuis un certain temps. Madame la pédiatre, il est de votre devoir de vous informer des avancées médicales si on se réfère au code de déontologie médicale ou encore au serment médical qui indique au sujet des compétences : « Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. ».

Pour la suite, nous sommes d’accord.

L’Etat doit donner plus de moyens à la recherche. Notamment aux différents départements des sciences cognitives, à la Fondation Pasteur, aux différents instituts de recherches en neurosciences qui ne devraient pas avoir à quémander de l’argent. Les chercheurs passent plus de 50 % de leur temps à monter des dossiers pour demander des subventions qui bien souvent leur échappent car vos confrères ou consoeurs psychanalystes sont trop souvent décisionnaires des commissions les délivrant. C’est parfaitement intolérable.

Pour la suite, Madame la députée, je suis enfin soulagée pour ma part de savoir que des parlementaires tels que Messieurs Fasquelle et Rouillard aient une conscience politique et se sentent concernés par un tel sujet et le maîtrisent parfaitement. Je ne vous renverrai pas le compliment. On ne vous a pas beaucoup entendu ces dernières années sur ce sujet et j’ose espérer que vous ne profiterez pas de cet engouement et de ce label pour vous auto-promouvoir car selon le serment médical : « Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. ».

« Entrer au niveau parlementaire dans un débat de choix médical est nocif pour les patients et pour leurs familles ».

Combien de fois faudra-t-il vous dire Madame Antier que la psychanalyse n’est pas un choix médical car la psychanalyse n’est pas une science. Elle n’appartient pas au domaine de la médecine.

Ce qui est nocif, Madame Antier, c’est la psychanalyse dans le domaine de l’autisme, dans sa lecture, dans son diagnostic et dans son traitement.

Ce qui est nocif, Madame Antier, c’est votre silence pendant ces années.

Ce qui est nocif, Madame Antier, c’est votre indifférence pendant ces longues années.

Ce qui est nocif, Madame Antier, c’est votre préoccupation pour vos collègues au détriment de celui des patients.

Ce qui est nocif, Madame Antier, c’est votre peur et votre manque de courage de devoir bouger et démobiliser ces acteurs des services médicaux, paramédicaux et sociaux qui méprisent et angoissent les familles.

Il est de votre devoir en tant que députée de vouloir changer les lois en profondeur quand la réalité est tout bonnement insupportable comme l’a fait monsieur Neuwirth en 1967, député à l’époque Madame Antier et non ministre.

Il n’est pas nécessaire d’être ministre pour proposer des lois révolutionnaires qui feront date dans l’histoire. C’était non seulement un parlementaire mais le sujet était un débat de société et de santé publique. En 1974, une ministre a poursuivi dans un domaine médical et sociétal.

Si vous n’intervenez pas dans ces domaines Madame en tant que parlementaire, dans quels domaines allez vous intervenir ? Dîtes nous. Vous êtes médecin Madame Antier et de surcroît pédiatre. Cela me désole. J’ai mal pour mon pays.

« Que les hommes et mes confrères m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j'y manque »

Voici les dernières lignes du serment médical.

Estimée ou méprisée ? Il n’appartient qu’à vous de décider mais l’histoire est en marche et un jour vous devrez rendre des comptes aux patients, à leurs familles mais aussi à ceux qui vous ont élue.

Maintenant Madame Antier, vous savez. Vous ne pourrez plus dire que vous ignoriez cet état et ce constat déplorables et inadmissibles dans notre pays.

Il serait bon et sain que vous changiez d’avis ou que vous vous écartiez de ce sujet que vous ne maîtrisez visiblement pas.

Mère Cassandre

 

 

    http://www.danielfasquelle.blogspot.com/2012/01/le-texte-de-ma-proposition-de-loi.html

20 JANVIER 2012

Le texte de ma proposition de loi : Proposition de loi visant l’arrêt des pratiques psychanalytiques dans l’accompagnement des personnes autistes, la généralisation des méthodes éducatives et comportementales, et la réaffectation des financements existants à ces méthodes

Présentée par Daniel FASQUELLE, Député du Pas-de-Calais

EXPOSE DES MOTIFS

L’autisme est un trouble sévère qui touche 1 enfant sur 100 (dernier chiffre de prévalence issu de Thomson & collaborateurs, décembre 2011). En France, on estime à 600 000 le nombre de personnes affectées par les troubles du spectre autistiques (TSA). La situation de ces personnes et de leur famille demeure dramatique dans notre pays, il est aujourd’hui plus qu’urgent de correctement traiter ce problème de santé publique majeur. Pour aider ces personnes à s’en sortir, la France ne peut plus continuer à cautionner et financer les pratiques de type psychanalytique dans le traitement de l’autisme.

Pour rappel, la psychanalyse ne figure dans aucune recommandation nationale ou internationale en matière d’autisme. Elle n’est citée ni par l’INSERM dans son expertise collective de Février 2004, ni par le Conseil National d’Ethique dans ses rapports N°42 de 1996 et N°107 de 2007, ni par la Fédération Française de Psychiatrie dans ses recommandations d’Octobre 2005.

L’approche psychanalytique de l’autisme a été abandonnée depuis au moins 20 ans dans la plupart des pays occidentaux au profit de méthodes éducatives et comportementales. Cette mutation, qui s’est opérée aussi bien dans la définition de l’autisme, aujourd’hui défini comme un trouble neuro-développemental, que dans sa prise en charge, s’est fondée sur un constat simple : aucune étude scientifique publiée ne permet d’attester du bienfondé ni surtout de l’efficacité de la démarche psychanalytique, contrairement à certaines techniques de rééducation spécifiques (outils de communication, méthodes éducatives, méthodes comportementales), dont l’apport a été démontré dans plusieurs études. A titre d’exemple, en 2010, une étude sur le modèle de Denver, conjuguant intervention précoce et programme éducatif et comportemental intensif – 25h hebdomadaires – a montré qu’une prise en charge de ce type permettait de faire régresser les symptômes autistiques, d’améliorer considérablement le langage ainsi que les facultés cognitives (+ 17 points de QI en moyenne pour une intervention dès 18 mois). La communauté scientifique internationale est unanime sur cette question et déconseille dans les guides de bonnes pratiques l’utilisation des prises en charge d’inspiration psychanalytique.

En janvier 2010, enfin, comme partout dans le monde, la Haute Autorité de Santé a enfin reconnu la Classification Internationale des Maladies de l’Organisation Mondiale de la Santé (la CIM-10), incluant l’autisme dans les Troubles Envahissants du Développement et abandonnant de fait la notion de psychose infantile.

Il faut pourtant aller beaucoup plus loin pour faire évoluer les pratiques. La Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA), construite sur référence psychanalytique, n’a toujours pas calqué sa définition sur celle recommandée par la HAS. Aussi, bon nombre de médecins ne reconnaissent toujours pas la CIM-10, et l’approche psychanalytique de l’autisme est encore majoritairement enseignée dans nos universités françaises. Cette lecture erronée de la pathologie continue à être imposée dans la plupart des hôpitaux de jour, des IME (Instituts médico-éducatifs) et des CMP (Centres médico-psychologiques) qui accueillent la majorité des enfants autistes. Les pratiques psychanalytiques captent la majeure partie des moyens financiers alloués à cette pathologie, freinant ainsi la mise en place de traitements adaptés tels que les méthodes éducatives et comportementales, hypothéquant la vie des autistes à l’âge adulte, lesquels se retrouvent dépendants, « sur-handicapés » par des années d’errance dans le diagnostic, sans jamais avoir bénéficié de l’accompagnement qui aurait pu les aider à compenser leur handicap, les rendre autonome et leur offrir une véritable perspective de vie.

Il convient maintenant avec urgence, face à un tel problème de santé publique, de rompre avec la psychanalyse dans l’autisme tant en termes de lecture que de mode de prise en charge (j’inclue ici la technique du packing qui scandalise l’ensemble de la communauté scientifique internationale). Il est donc indispensable de réaffecter l’ensemble des moyens existants sur les traitements opérants. On le sait à présent, une prise en charge précoce et adaptée permettrait de réduire considérablement le coût économique et social de l’autisme, comme l’a notamment déjà démontré en 2007 le rapport d’un comité sénatorial québécois préconisant un accompagnement précoce avec des méthodes éducatives et comportementales. Aujourd’hui au Québec, les traitements éducatifs et comportementaux peuvent être prescrits par le médecin et sont remboursés par les assurances santé.

Je m’indigne en constatant qu’en France ce sont les pratiques psychanalytiques généralisées dans nos établissements hospitaliers et médico-sociaux qui sont financées par l’Assurance Maladie. L’étude actuellement menée par le Conseil Economique, Social et Environnemental sur le coût économique et social de l’autisme en France suite à la saisine du Président de l’Assemblée Nationale Bernard Accoyer, relayant la pétition citoyenne du Collectif Autisme, devrait permettre de pointer le coût induit par la mauvaise prise en charge et démontrer la nécessité d’un accompagnement éducatif et comportemental, le plus précocement possible. L’enjeu est considérable : il s’agit de permettre aux personnes souffrant d’autisme d’accéder à une prise en charge adaptée, de compenser leur handicap, de restaurer le dialogue avec le monde environnant, de s’insérer dans notre société et d’espérer avoir un véritable avenir.?

Article unique Les pratiques psychanalytiques, sous toutes leurs formes, doivent être abandonnées dans l’accompagnement des personnes autistes, au profit de traitements opérants, les méthodes éducatives et comportementales en particulier. Une réaffectation de l’ensemble des moyens à ces modes de prise en charge doit être exigée. Publié par Daniel Fasquelle à l'adresse 10:00