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Littérature Grise


 

 

Retranscription et résumé

La TÉLÉVISION et NOS ENFANTS
par le Dr William Théaux

Conférence animée par APEL - le Jeudi 20 novembre 2003

 

 

   Nous avons commencé par une démonstration pratique : l'analyse d'un titre de journal peut être riche d'enseignement. En l'occurrence,  on se servit d'un article de magasine qu'on m'avait adressé au motif et support de la conférence. J'en fis l'étude de manière psychanalytique. Il en ressortait que ce texte refoulait le fait que les programmes télévisions sont en majorité conçus pour des enfants (le détail de cette étude a été montée sur le web) - ce qui constituait un paradoxe, puisqu'on prétendait d'autre part, officiellement, que ces même programmes étaient conçus pour des adultes. Nous aboutissions donc à la conclusion, issue du jeu de l'Inconscient, que la télévision s'adresse aux adultes, mais comme à des enfants.
   Évidemment on conseille souvent de refouler derechef une conclusion pareille ! A quoi servirait-il d'admettre dans notre vie quotidienne que tous en bloc, nous soyons cantonnés à l'infantilisme? Toutefois dans le cas présent, la question tient trop au sujet que l'on traite - la Télévision et le Enfants, précisément - pour qu'on puisse la repousser. Au contraire, ce serait un avantage de savoir que la télévision s'adresse à un public infantile, pour nous instruire de la manière dont nous programmerons la télévision à l'usage nos enfants.

   Nous débutions donc sur une équivoque, incertaine qui plus est. Pour nous en affranchir, nous allions considérer la télévision à la manière dont l'enfant approche et le découvre le miroir. Cet objet qui réfléchit - comme dit le poète avec toute son équivoque - est ce que l'on appelait psyché en Grèce antique, qu'on appela aussi âme et que l'on écrit actuellement Autre, avec un 'A' majuscule. Avec cette notion d'un tel Autre, nous allions pouvoir savoir si le reflet du monde que présente la télévision est propice aux enfant ou si elle réduit à l'enfance.

   Sur cette promesse et à l'issue de ce préambule, nous passions aux questions.

 

La télévision est-elle nuisible ou pas; faut-il ou ne faut-il pas en avoir une à la maison lorsque l'on a des enfants?

   Évidemment la question est un peu radicale! mais elle peut se poser. J'ai connu un psychologue professionnel qui avait banni tous les miroirs de sa maison ; ses habitants ne s'en portaient pas plus mal, ni mieux. On connaît aussi l'expérience plus fréquente de priver de télévision un enfant, avec de très bon résultats pour une reprise de dialogue familial. Mais il n'est pas dur non plus d'imaginer qu'un abstinence prolongée puisse exacerber une curiosité, et entraîner une sensibilité exagérée jusqu'au traumatisme, lorsqu'inévitablement l'enfant voit certaines images, un jour chez des amis.

Alors la télévision, mais à quelle dose ? :

   En moyenne dans la population, un enfant reste deux heures par jour devant la télévision. On imagine quel intérêt trouverait la moindre secte à ce que ses adeptes passent le même temps, dans une sorte de stupeur immobile, à suivre ses enseignements rabâchés. Or dans ce cas, il y a un moyen simple et primordial qui puisse parer aux dangers de la fascination - il s'agit de la proximité d'autrui, de quelqu'un de moins engagé. La présence d'une grande sœur, d'un grand frère, d'un parent ou d'un éducateur - nous dirons d'un "petit autre" - contrevient presque radicalement à la subjugation, et relativise considérablement le facteur de la durée, ou de la dose.
[la fonction de ce petit autre accompagnateur s'éclaire en nous rappelant qu'il ne s'agit pas de l'identique que l'on trouve dans l'hypnose de masse, mais d'un autre distinct, plus indifférent et moins engagé dans le spectacle]

Le caractère choquant des images, violence, pornographie.. :

   On a pu élaborer des théories qui justifient que la violence dans un spectacle ait un effet positif, d'abréaction, d'évacuation et de maturation. Il s'agit néanmoins de théories douteuses, et qui présentent un danger évident. De surcroît des observations neurologiques dévoilent une modalité essentielle à cet égard : elle révèlent que la sensibilité du spectateur est accrue dans la mesure où l'image représente la réalité. Ce phénomène explique l'intérêt pour la TV-Réalité - en même temps qu'il ouvre à une perspective plus large, essentielle à l'évaluation éducative et psychologique de la télévision :

 

intervention

   C'est à nouveau du point de vue spécialisé de la psychanalyse que nous déchiffrons un caractère essentiel, attaché au phénomène de réalisme de la télévision : cette dernière est un 'miroir' aux dimensions planétaires, dont moins la taille que la forme importe ici. Bien que la planète, dit-on, a été centrée depuis la description du système solaire, la structure en réseau de l'information télévisuelle replonge son image spéculaire (l'image du miroir télévision) dans une structure sans centre.
   Or ceci pour qui s'intéresse au psychisme, est un facteur majeur de la constitution psychologique que la question/réponse va continuer à cerner :

 

Que penser de la publicité ? :

   Une fois traité de la quantité, de la dose, puis de la forme, l'image brute du viol ou de la violence, cette troisième question complète l'édifice qui fait la télévision : il s'agit à ce troisième stade, de l'intention, du désir ou de la propagande. Or c'est à présent que nous comprenons le paradoxe de l'a-centrisme ; car la télévision est d'une part d'un désir très apparent, de manipuler, d'agir sur le spectateur, et d'autre part serait sans Idéal, c'est à dire sans point de perspective, sans orientation, sans centre de manipulation. C'est peut-être en cette énigme qu'elle est un Sphinx moderne, éminemment éducative à la réflexion ; dont la psychanalyse pourrait guider la pratique.

 

intervention

   Pour réfléchir sur le désir qui fascine la personne humaine, de son enfance à son âge adulte, le concept d'Autre détaille la physiologie de l'imaginaire et aide à comprendre le régime de l'image et du désir.

   Afin qu'on le comprenne sans doute, l'Autre offre une histoire que nous avons tous parcourue ; elle commence avec notre mise au monde, sur une période de quelques semaines où toutes images étaient égales. C'est sur une base aussi uniforme et universelle que le psychisme va initialiser son plan où prendra racine l'image du moi. A cette époque l'enfant nouveau-né ne distingue pas ce qui diffère de l'image animée d'une personne qui entre dans sa chambre, d'une autre qu'on voit à travers la fenêtre, ou d'une troisième que présente un écran télé.
   Ce n'est que dans une deuxième phase que se déroule ce qu'on appelle le 'stade du miroir'. Parmi toutes les images saisies en divers cadres, celle que le miroir affiche devient l'élue qui tend à la perfection : toujours présente, prévisible et répondant parfaitement. Ce n'est qu'à l'issue une idylle narcissique, qu'elle révèle manquer de regard et d'une véritable interactivité. Les techniciens reconnaissent alors que cet Autre, s'avère n'en avoir pas, lui, d'Autre ; brusquement il représente la mort et c'est ainsi qu'un Sujet s'engage dans la vie. Mais ce pas, ne peut-il le faire qu'à la condition d'un témoignage, échangé avec une autre, présent avec lui devant le miroir, et qui confirme le deuil narcissique et sa promesse.

   C'est exactement pour cette raison que l'essentielle précaution à prendre dans l'éducation des enfants vis à vis de la télévision, consiste à garantir à leur côté durant leur contemplation, une présence altruiste, adulte ou éducatrice. Cette simple prescription ne serait douteuse que si le spectacle télévisuel n'était pas effectivement la présence technique de l'Autre. Or c'est bien ce que l'a-centrisme, ci-avant désigné, rempli de preuve ; puisqu'il révèle le manque de regard qui mène la période narcissique à sa résolution.

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   Ainsi l'absence d'interactivité qui caractérise encore la télévision, est-elle ce motif essentiel qui oriente l'éducation télévisuelle - je le reprécisais plusieurs fois - qui doit tenir à une présence accompagnatrice, nécessaire et sans doute suffisante.
   Cette remarque nous introduit aussi bien à l'étape suivante que l'information télévisuelle va entamer - à savoir lorsqu'elle va se confondre bientôt totalement avec la technologie que l'on appelle 'informatique'. A partir de ce moment, ce qu'on appelle le stade du miroir sera dépassé.

   Cette analyse a permis de situer la télévision, son usage et sa fonctionnalité éducative, dans le cours d'un mouvement évolutif. Nous ne saurions en effet être bons éducateurs si nous ne situions nos enseignements en fonction de leur développement propre. En résumé, au moment présent, l'accompagnement est la mesure nécessaire et suffisante à prendre - avec conscience du passage à l'ordinateur qui a cours et qui sera l'organe effectif de nos enfants.

 

 

 

note - première proposition de dernier paragraphe de version allégée :
    On aura remarqué en passant, dans le détail de l'Autre, que ce qui cause l'appel au témoin gît dans son manque d'interactivité. Il s'agit du manque de regard précédemment signalé propre à la télévision planétaire. Ce manque de regard qui se combine au témoignage, en est quelque sorte l'alibi. Il dépasse la phase civilisatrice du témoignage et de la reconnaissance du "petit autre" - en l'acte du philosophe ou du scientifique, qui revient sur le manque que le bonheur de la rencontre avait masqué. Dans le cas présent, c'est l'informatique qui dénonce le manque de regard de la télévision.
   C'est ainsi que le stade du miroir prend fin, comme le passage de la télévision à l'écran interactif et tout autant planétaire de l'ordinateur.