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Lettre à mes collègues sagaces

 

   J'ai donné en parallèle à un corpus universitaire la raison pour laquelle je parais parler d'un ton désinvolte. En bref c'est une histoire de conflit d'intérêt dont je vais m'expliquer. Pour commencer il faut voir ce qui se passe lorsqu'on arrête le conflit. Mon cas le présente lorsque les intérêts l'ont emporté - en l'occurrence il s'agit de trois étapes dans ma carrière où à chaque fois j'ai été tant dominé par la cause que j'introduisais, que j'en ai perdu tout contrôle, sur la dite cause et moi-même - ainsi résolvant le conflit. C'est cela que j'ai expliqué à ce corpus universitaire. C'est ce qui explique ce que j'appelle ici une apparente désinvolture. Mais enfin c'est encore quelque chose de fructueux car c'est une expérience qui s'est forcément propagée dans ma pratique médicale où je n'ai pas en grande difficulté à me départir de ce complexe. Je l'ai fait cette fois-ci de la manière la plus habituelle, j'ai effectivement renoncé à tout intérêt et me suis trouvé dans le résultat équivalent d'une absence de conflit. J'en parle donc d'expérience redoublée.

 

   Cependant qu'alors c'était sous la force de l'intérêt que le conflit s'éclipsait, je parle maintenant d'un intérêt éliminé mais, du fait du radical des expériences passées, j'ai pu aussi radicalement détacher l'intérêt - avec une facilité qui n'est pas celle dont bénéficient mes confrères. La grande majorité s'est vaccinée, qui en bonne partie fit semblant - on ne peut pas penser que les pompier fussent plus délinquants qu'eux - et ceux qui résistèrent attendirent d'être réintégrés. Quelle ambition sous les palmes de la révolte !    Personnellement j'étais trop indigné et comme je l'ai dit, favorisé par la facilité d'être déjà exclu, du moins dans d'autres dimensions, j'ai pu réaffirmer ma dignité. Puisqu'on m'avait trompé et trahi - l'Ordre ne garantissait pas l'hippocratisme et ne me protégeait pas, j'en partirai sans demander mon reste, d'y rester. Je me suis donc complètement désintéressé de quelque chose qui n'avait plus rien à voir avec la médecine à laquelle j'ai juré de me consacrer.

   L'affaire ne s'arrête pas là et je ne vous écrirais pas s'il n'était un angle qui s'est alors ouvert. Je vais le prendre du point de vue le plus ébahissant que j'avais rencontré, du pharmacien qui m'avait dit en refusant de me délivrer le médicament diabolisé, qu'il voulait me protéger sans quoi j'engageais ma responsabilité (un patient serait-il mort sous Nivaquine que sa famille aurait pu m'attaquer). Je dois dire qu'à présent devenu citoyen lambda je n'ai plus le droit de prétendre à prescrire fut-ce pour moi-même. Et c'est sur ce point que décillé je réalise quel intérêt m'avait conscrit dans l'Ordre. Je réalise qu'une personne humaine peut s'acheter des chaussures, une voiture ou choisir son sandwich mais a besoin d'une instance qui l'autorise pour s'acheter une boite d'antibiotique ou tout autre remède dont sa santé pourrait avoir besoin. J'ai soigné, si on peut dire, des schizophrènes rendus fous de voir dans quel monde ils vivaient. Je ne nie pas la maladie, je parle de ce qu'ils ont vu. Qu'il faille une prescription, qui plus est sujette à dénonciation dernièrement par d'ultra-protecteurs pharmaciens, signés par des docteurs, qui plus est commandés dernièrement, pour acquérir un produit naturel ou industriel, banal et commun, mais dont sa santé, son avenir, ses souffrances peuvent aujourd'hui ou demain dépendre, est une ignominie ou bien le pathétique le plus ridicule qui soit. Si je peux acheter une baguette de pain pourquoi ne puis-je acheter une barrette de largactil ?
   C'est ici que le médecin intéressé par les rets de l'Ordre aura eu suggérée l'excuse : c'est parce que l'automédication n'existe pas. Un peu de connaissance médicale conclut vite que, si je suis malade c'est que je n'ai pas su me guérir. Toute thérapeutique demande un tiers dans la division dans laquelle on s'est blessé. Certes, bon, d'accord. Et c'est cela dont on se contente et à quoi on se tient pour partager nos intérêts de convenance avec le institution du pouvoir. Car on l'aura compris aussitôt que le conflit cesse, il n'est autre motif au règlement de la médecine sous ordre que celui du pouvoir, et même accessoirement la jouissance de l'argent qui s'en suit. Puisqu'enfin, si l'automédication n'existe pas, n'est-il pas dans l'ordre des choses que je demande conseil ?! - et non pas conseil de l'ordre qui vire dans ce cas à l'oppression forcément. Ainsi lorsque je suis un être humain malade, je me fais conseiller et je vais acheter ce qui me manque.

   Quand on est au point de raison, ce qui rend fou, malade est l'insistance qui devient contradiction et c'est un fait que malgré le bon sens, la maladie retorse rajoutera que si l'automédication n'existe pas je me ferais mal conseiller. Autrement dit, la pathologie, là, s'en mêle et revient à la nécessaire autorité qui exige que mon médicament ne peut être obtenu que par une instance qui puisse m'interdire de l'avoir. Soit. C'est admissible. C'est tordu mais effectivement c'est ainsi que le monde, puisque le pouvoir y règne, l'impose. Cependant, et c'est pour finir la raison pour laquelle je m'adresse à mes collègues, je les invite, les incite à être attentif à la fonction dite d'Intelligence Artificielle qui s'établit et qui signifie que la détermination du conseil, du remède qu'il faut prendre, voire le commandement qu'il faut admettre de se soigner, commence s'il n'est déjà, à venir de cet appareil dont à égalité mon officine de patient et mon smartphone relèvent. Autrement dit, le complexe civilisationnel de la soumission n'a plus aucune raison, sinon maléfique perverse, de dépendre d'un autre conseil que celui de l'IA. De surcroît elle n'empêche nullement qu'on le dédouble d'un conseil d'un semblable. Il n'y a aucune raison valable, en conclusion, aujourd'hui, que je ne puisse obtenir librement à la pharmacie tout ce qu'elle peut mettre à ma disposition.

   J'ai pris et traité cet exemple en détail. Tous les angles de la pratique médicale sont à l'identique l'objet de la même logique. Il n'y a aucune raison valable qu'il y ait un Ordre médical, autoritaire et de sélection. Il suffit de s'en détourner, de ne plus y porter intérêt, pour le voir aussi clair que le jour le soleil sans nuage. Et inversement le moindre intéressement, d'y être, d'y revenir, de s'y suspendre, conditionne une bévue, l'impression de sa nécessité. On entend revenir à la charge « c'est comme ça » - alors parlons clair et précisément, « c'est comme ça le.. » (car il y a toujours un déterminant signifié) et ça en a tout l'air : « c'est comme sale ».

   Ayant consulté ma propre intelligence de la sorte et comme je l'ai précisé, réellement sans conflit d'intérêt, analyste effectivement des lois psychologiques de l'aliénation, je convainc dans la mesure de mes moyens que la médecine hippocratique doit tourner le dos à toute instance de dépendance. Je l'affirme d'autant plus certainement en soutenant que son exercice peut être restitué par des moyens propres - je veux dire, par l'hippocratisme lui-même - socialement hygiéniques aussi. J'en fais l'hypothèse, l'étude et des propositions. Cette hypothèse tombe sous le sens comme je l'ai montré par l'exemple. Son étude est archivée, accessible. Les propositions sont instrumentées par des logiciels, un historique, des collectifs.