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QUESTIONS 

RÉPONSES

JMA
H26/UNEFPE

Jildaz ECOLAN
Association BETHEL

 

Quels sont les nouveaux produits ?
La polytoxicomanie est un phénomène déjà ancien, qui se double aujourd’hui d’un détournement (et d’un trafic) de substances à usage thérapeutique, associées à l’alcool. Outre un attrait pour les nouvelles drogues (cristalline par exemple), les effets psychotropes ou « relaxants » de tout médicament peuvent être exploités. On connaît depuis longtemps l’absorption de sirops. Depuis peu, des jeunes détournent le skenan (un analgésique puissant), souvent en association avec d’autres produits dans un cocktail détonnant.
Comment se déroulent les entretiens ?
Les entretiens avec les garçons sont des entretiens individuels (et respectueux de la confidentialité), en présence d’au moins deux moniteurs. Ils durent environ 30 minutes et ont lieu tous les quinze jours à trois semaines ou davantage si nécessaire. Ces temps d’écoute et de dialogue sont l’occasion pour les jeunes de faire le point sur leur évolution.. On y évoque des questions de bien-être, de comportement. L’équipe tente de répondre aux angoisses,  d’évaluer la motivation des jeunes, d’une façon constructive et toujours axée sur leur projet de réinsertion. Il s’agit de leur insuffler un certain optimisme sur la vie, tout en les mettant face à leurs responsabilités.
Comment se passe la vie en communauté ?

La vie dans le centre est organisée de sorte que chaque jeune voit son intimité respecter. Chacun dispose d’une chambre individuelle et dispose de plages de temps libre pour la lecture, l’écriture etc.
Il est par ailleurs demandé à chacun de participer à la vie collective (prise des repas en commun à des horaires strictes, service de table, participation au ménage etc.). Selon leur caractère, les jeunes cherchent dans un premier temps à s’isoler ou au contraire à rentrer en contact avec les autres. En règle générale, l’intégration au groupe s’effectue en quelques semaines ou en quelques jours. Mais l’équipe reste très vigilante à la constitution de rapports de force bien souvent sous-jacents. Les toxicomanes sont d’habiles manipulateurs (ils ont développé au cours de leur toxicomanie un art du mensonge propre à tromper leur famille, leurs « amis » de galère, ou tout autre interlocuteur). Il s’agit de déceler le plus tôt les tensions afin de désamorcer les conflits. Grâce à cette approche, la violence est extrêmement rare au sein du centre, malgré le lourd passé de certains pensionnaires.

Pourquoi pas de suivi psy ?
On ne peut pas dire que notre projet thérapeutique ignore la psychologie. Notre approche socio-comportementaliste et ergothérapique fait une large place à l’écoute et à l’introspection, mais ne s’inscrit pas dans le suivi psychologique classique. Beaucoup de chercheurs considèrent que le processus de sortie de la toxicomanie appelle une diversité des solutions. Le suivi psychologique ou psychanalytique existe, et de nombreuses personnes y ont désormais accès. Certains jeunes avant leur arrivée dans le centre ont suivi ce cursus. Mais nous considérons qu’il est parfois prématuré. Un cheminement personnel tel qu’une analyse nécessite une démarche volontaire, une conscience claire, ou tout simplement une mémoire et un cerveau dans un éveil minimal. Or, les toxicomanes en phase de consommation ou de post-consommation n’ont pas, pour la plupart d’entre eux, une réceptivité suffisante. Nous tentons de redonner aux jeunes une dignité qu’ils ont perdue par la consommation des drogues, et de les insérer dans la vie sociale et professionnelle. Cette étape s’inscrit dans une démarche pluridisciplinaire de long terme où d’autres acteurs, en particulier le psychiatre, le psychologue, le psychanalyste, peuvent jouer un rôle bénéfique pour les toxicomanes qui choisissent librement, à un instant T, de s’adresser à eux afin d’entreprendre un autre cheminement.
La connaissance (l'apprentissage) les métamorphosent ils ?
Oui ! C’est en tout cas le sentiment que j’ai en voyant l’évolution de certains jeunes après quelques mois de présence. Ce qui frappe, c’est d’abord de voir leur personnalité, complètement masquée par la consommation de produits, se manifester à nouveau. Les jeunes reprennent peu à peu conscience du réel, de leurs difficultés et leur faiblesse, mais se voient proposer des moyens de rebondir. Ils apprennent à nouer des relations de confiance avec les autres. Il ne faut cependant pas céder à l’angélisme. Ces jeunes restent fragiles. Libérés de la drogue, certains manifestent une personnalité très attachante, pleine d’humour et d’esprit, mais la blessure est si profonde qu’il faut beaucoup de temps pour qu’ils soient stabilisés. La formation que nous leur proposons est par ailleurs très valorisante. En apprenant un métier d’art, ces jeunes souvent déscolarisés retrouvent l’estime d’eux-mêmes. Cet apprentissage est aussi l’occasion de découvrir d’autres univers, d’accéder à la culture à travers l’histoire du mobilier et des objets d’art, les visites de musées etc. Certains révèlent une véritable passion pour la matière. D’autres sont plus indifférents mais tous comprennent qu’il y a une vie en dehors des produits.
Quel avenir après le centre ? Il y a t'il après un suivi ?
Psy ou autres ?

Notre centre est confronté à un important « turn-over ». Des jeunes qui ne s’adaptent pas, ou qui n’ont pas encore trouvé le bon ressort, quittent le centre, parfois après quelques jours. Nous cherchons à les réorienter vers d’autres structures mais celles-ci font défaut (de nombreux centres ont fermé depuis quelques années). Une fois encore, évitons l’angélisme. Les jeunes qui quittent le centre prématurément sont souvent amenés à replonger. Il ne nous est pas possible alors de les aider . Mais ils savent que la porte de l’association n’est jamais fermée s’ils retrouvent une nouvelle motivation (après un sevrage, entretien etc. comme pour une première admission).
Pour ceux qui suivent le cursus, l’association apporte une aide graduée qui vise à la concrétisation du projet de réinsertion. Dans une phase de transition, les anciens les plus sérieux deviennent encadrants. Ils se voient alors confier certaines responsabilités et acquièrent davantage d’autonomie. Nous les accompagnons ensuite dans leur insertion par des conseils et un appui logistique. Par la suite, certains préfèrent rompre tout lien avec la structure (la page est tournée), d’autres restent en contact régulier avec l’équipe. Il n’est plus alors question de suivi, mais de rapports d’amitié.