Le téléphone parut vers le début du
siècle précédent. Quand Freud le
fit installer chez lui, il relate le cas d'un lapsus qu'il fit les jours
suivants. Cette analyse est placée au terme de sa première Esquisse
scientifique (sept.1985). Son oubli de l'installation nouvelle lui parut
exemplaire pour expliquer comment le moi, en reprenant des habitudes
anciennes, régresse à un état proche du rêve. Mais il convient ici de
préciser que cette conclusion du travail inaugural de la psychanalyse cherchait
à expliquer le rôle et le développement de la sexualité avec la pensée - on
pourrait donc trouver déplacé que l'on se réfère aujourd'hui à la clinique
de l'Esquisse pour chercher à expliquer le développement de la télémédecinepsy.
Il faut y regarder à deux fois, pour reconnaître qu'un siècle après Freud, notre
époque traverse à nouveau un bouleversement
considérable de la sexualité et de la pensée (un bouleversement au demeurant
encore plus grand que celui des temps modernes freudiens - la redéfinition de
la famille, les recherches sur le genre, les fécondations artificielle
et jusqu'au refoulement de la carte d'identité génétique, en sont des indices
au hasard d'un plus grand nombre encore ; nous découvrons déjà le rapport de
la télématique avec les codes biologiques à travers fichiers de
polices et enquêtes statistiques de populations de consommateurs etc..). Nous sommes donc bien dans une
réédition du contexte de cette Esquisse. Il est parfaitement indiquée
de remémorer le lapsus de Freud (oubli du téléphone) si nous
retardons l'usage de la télémédecine en psychiatrie.
Car la télémédecine est
une opportunité devenue légale depuis plusieurs années. Elle est déontologiquement
admise depuis plus longtemps encore et, dans le domaine psychologique, il y a des
raisons de penser qu'elle y tient la place la plus révolutionnaire,
progressiste et novatrice ; or les administrations l'ignorent, éventuellement
l'empêchent, les praticiens la méprisent. Dernièrement encore, on me relatais une sorte de réaction
stuporeuse d'un confrère qui ne comprenait pas bien quel usage on pouvait faire
du téléphone en psychiatrie.
Certes nous n'en sommes pas encore à pouvoir distribuer une drogue
par l'écouteur. On ne peut pas non plus s'en servir pour faire des
électrochocs à distance ! Mais comment se fait il que ce professionnel de la
santé mentale ait oublié le b.a.ba du phénomène psy, exactement comme
Freud oublia le téléphone récemment mis à sa disposition. Il rata un soin
qu'il aurait pu rétablir en en faisant usage. Son analyse, bien qu'ancienne d'un siècle, recèle probablement des idées pour notre épisode
crépusculaire présent.
Car la stupeur de mon confère, témoin de sa confrérie,
exprime cet état proche du rêve qui annonce et accompagne la
régression ; laquelle se manifeste dans le déclin d'une société qui se
drogue industriellement et appuie son humanités à la vieille béquille d'embrigadements religieux.
Lorsqu'une population ferait naufrage, on se demanderait quelle lumière
apporte la psychiatrie et quel est le b.a.ba du phénomène psy
perdu pour le milieu médical ? La réponse est perceptible : c'est le
langage, la parole,
la communication verbale, qui s'ajoutent au primate permettant à l'humain
la capacité psychique.
Comme le poumon est l'organe respiratoire, le cœur et ses
vaisseaux celui de la circulation etc.. le langage est l'organe du
psychisme.
Certes le poumon n'est rien seul et en soi - le cœur n'a pas non plus de
signification sans l'ensemble de l'organisme - ainsi la parole ne va pas sans un
grand nombre d'accessoires. Mais on s'attend à ce qu'une pneumologie
s'applique principalement au poumon, la cardiologie au cœur. Deuxièmement ces
médecines ont montré qu'elles tirent bénéfice d'appareils : respirateurs
artificiel, circulations artificielles. On trouve l'évidence dans ces exemples
; il n'en est pas autrement pour la médecine de l'être humain
psychologique, s'appliquant à son organe la communication verbale et
s'adjoignant la téléphonie,
la télématique. On peut même à son propos estimer que le téléphone
présente un progrès aussi immense que la radiologie, l'isolation aseptique et
les grandes étapes de sélection et d'isolement des fonctions pour les examiner
et les traiter. En 1900 un appareillage a isolé la parole. Comment se fait-il que nous l'oublions ?
Serait-il possible que je sois en train de le souligner, isolé
dans ma confrérie comme son lapsus le disait à Freud, devenu bête et
stupéfait en ignorant son téléphone à portée de main ?!
Suivant l'analyse
subséquente qu'il osa faire, devrions-nous lire dans le refoulement par mes
confrères, un mécanisme de défense du moi qui choisit la voie de la
régression ?
Car ignorer la télémédecine dans le domaine de la psychiatrie
équivaut à renoncer au progrès, d'un renoncement qui dans ce cas ne se tient
pas à un point fixe, arrêté, mais part à la renverse, brûlé par le feu que
l'on n'a pas su maîtriser. Il n'est pas innocent de mépriser à ce point le progrès
; Prométhée pouvait se faire de la bile quand il voyait des crétins
mettre le feu à leurs maisons. Certes dès l'analyse du phénomène
psy, on distingue que le moi est par principe une fonction
d'inhibition. Il ne faut rien en attendre de mieux en dernier ressort
puisque c'est son rôle essentiel. Seulement satisfaire le moi
n'est pas bien ambitieux et surtout, tourne mal. Freud en analysant son oubli suggère qu'à sa place
les processus primaires sont appelés et doublement renforcés. Le
narcissisme et la connaissance par l'inertie y trouvent un compte sapé
par des liaisons débiles et irréfléchies.
La télémédecine parut au début du siècle présent.
Elle est en cours d'installation et on observe un trouble de la pensée
à sa première opportunité. Son oubli, son mépris, sa négligence
révèlent une indifférence, un indistinction ou une ignorance de ce
qui est particulièrement propre à l'humanité et précisément
scientifique dans la pénétration de la médecine. Le psychisme, les
appareils objectivant la communication, les mathématisations possibles
de la réflexion sont traités comme des ordures - et en remplacement on
défend le moi primaire sans langage, conforte la relation
fusionnelle du contact direct, valorise le succédané libidineux d'une
alchimie moléculaire.
Si la télémédecinepsy n'est pas mise en action par les
psychiatres, ils s'engagent dans la régression - ils emploient les
médicaments du cerveau et du comportement de façon magique, sans
analyse de leur signification ; ils notabilisent leur ego au
motif d'être capable d'inhiber jusqu'à la capacité de réprimer la
connaissance. Finalement par leur dénigrement d'un outil qui révèle
la parole dans la force de l'objectivité, ils entretiennent et livrent
leur population malade à la politique qui, elle, sait très bien la
force du média.
DWT@20140204044600
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