Démonomagie
suite d'un lien venu de Raison de la Psychanalyse
Je me replonge dans la texture splendide du Couliano, au chapitre la démonomagie :
Et voici, dès la première phrase, le support où je m'étais arrêté, de ce qu'avec quoi je reviens : comme une brute, un bûcheron, je ne peux pas dire autrement, je me vois abattre ma hache, toujours la même, à chaque coup sur l'arbre. Cette hache, c'est la formule du Signifiant lacanienne, et que j'entre en force dans l'imaginaire ou le bois dont est fait la Tradition - comme s'il y avait coïncidence - comme si la Tradition se prêtait à l'intuition qui serait ensuite venue, à la Reprise que constitue la psychanalyse. L'intuition que serait la formule viendrait s'abattre sur ce qui l'a précédé - j'entaille donc la tradition, à l'écorce du discours de Couliano et, comme la flamme s'enfonce dans la lumière, voici les choses apparaître et se rencontrer toute en harmonie :
Situation des démons dans la formule linguistique |
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...ces cohortes de démons du christianisme dont l'activité la plus bénigne était d'exercer continuellement les contraintes de la nature (sommeil, faim, désir érotique) sur les gens qui avaient l'orgueil de se croire au-dessus d'elles. extrait d' I.P. COULIANO - in EROS ET MAGIE A LA RENAISSANCE - chap. La Démonomagie (p.195 et/ou 1er paragraphe) |
Il faut que je me fasse bien comprendre ; qu'est-ce que je cherche sur cette piste aux démons? J'y rode parce que je cherche la manière dont s'occupe la place 'P' (Modèle Optique - ci-dessus)
Cette place du 'produit' dans la formule des discours, est vide sur la place du Modèle Optique (Lacan l'indique en boîte grisée, non-spécularisable) - et cela, ce vide, parce qu'en effet elle ne se produit, cette place, effectivement qu'en 'x' - l'objet dit extérieur vu selon le Schéma de la Foule ; ou bien s'avorte en (place de) vérité, dans le transfert ou l'impuissance.
Voilà ; maintenant la lecture est campée. Voici pourquoi et comment je vais interpréter que ce dont les magiciens parlaient, en terme de démonomagie, c'était ce dont une linguistique lacanienne parlerait aujourd'hui en terme de la production d'un signifié à la suite d'un signifié précédent. Dans cette perspective, et si elle est exacte, par application de cette linguistique sur le Modèle Optique, et dans la mesure où est indiquée en ce Modèle la place de l'appareil cybernétique, à cette place on trouvera de nos jours la machine comme la production achevée du démon que l'hermétisme a ouvré.
Voici une autre expression de Couliano, exprimant ce qu'il lit
des anciens alchimistes :
... L'office des démons est de placer les âmes dans
les corps terrestres ; ...
Les corps terrestres sont les corps de la réalité - c'est
à dire de l'espace virtuel, au-delà du miroir, c'est à dire à droite dans le
Modèle Optique. Or c'est bien en face du même miroir que l'on distingue le
code, c'est à dire ce qu'on appelait les âmes, et qu'on appelle aujourd'hui
l'ADN. On voit donc la puissance des démons opérer cette incarnation
dans cette réalité que, du point de vue de la vérité, nous trouvons
illusoire.
et la phrase de Couliano se poursuit ainsi :
...; par contre, celui des héros est de vivifier, de
donner la raison, de garder le troupeau des âmes et de les libérer de leurs
corps.
expression par laquelle nous reconnaissons l'impuissance -
à l'inverse de la puissance - propre à ce que la tradition appelle les anges.
Le monde du signifié dont nous voyons les effets, sur le signifié, s'appliquer
dans un sens et dans l'autre, étant selon ladite Tradition, à ranger en deux
camps, partageant la série des archanges, aux anges, aux héros,... aux
démons, aux principautés, aux princes, et jusqu'aux âmes humaines
désincarnées (Jamblique) - et catégorisant les trois premiers à la tâche de
construire le code (garder le troupeau,
fut-ce, selon l'impuissance caractérisée des anges) ; la catégorie restante
étant celle de la puissance déclinant dans sa graduation des démons jusqu'aux
âmes humaines désincarnées (dernière entité que de manière caricaturale en
notre ère encore frustre de la génétique nous réduirions à quelques
gènes).
Au point de cette lecture, me voici à un point
d'expectation. Je vais le dire avant de lire la suite de Couliano - comme
à la prétention de vérifier une intuition. A ce point, Couliano est
arrivé où il plonge, avec l'histoire qu'il lit et suit, dans la
naturalisation des démons - autrement dit, où il déduit, comme les
théologiens de l'Eglise le lui montrent, de conciles en conciles, que les
démons les plus manifestement dévoilés étaient les drogues, datura,
opium, cannabis et autres herbes. Ainsi conclut-il - à ce point - voici
un point de gagné : les sorciers "classiques" étaient des
marginaux des deux sexes qui forçaient, par l'usage d'hallucinogènes,
l'accès à l'inconscient. Evidemment, c'est un point de gagné - la drogue dans son affinité spécifique au code cellulaire, qu'elle soit de membrane ou de quelque inhibiteur de recapture plus proche de l'ARN, voire du noyau, affirme bien des influences sur sommeil, faim, désir érotique et autres fonctions cibles des démons. Mais ce gain réduit l'affaire à la pharmacie et au code des pharmaciens, en délivrant l'Eglise d'avoir quoique ce soit à en redire. S'il est nécessaire de préserver, ou restaurer, le lien de l'alchimie à la théologie - de la même manière qu'il paraît impératif de préserver le lien de la psychanalyse à la biologie, à preuve que sans ce lien elle s'avère idéaliser une pulsion de mort (industrie du transfert) - nous devons retrouver les techniques plus conditionnées de symbolique - qui ne se réduisent pas à ce que Saint Thomas déjà déclassait des fantaisies de l'âme [phantastico animae]. Suffirait-il de rebrousser chemin? De ce point matérialiste qui conclut au rôle pé-éminent de la biologie, à revenir au départ (de ce Chap. VII) que Couliano déroule, nous retrouvons l'invocation originelle des théurges chaldéens, faisant face au Strophalos. Evocation si problématique en ma circonstance qu'il fallut que j'en fasse un e-mail à vérifier du pluriel/public. |
Ceci fait, j'ai repris la lecture de Couliano - sans trouver ce
à quoi je me préparais, mais une surprise non moins encourageante. Je
m'attendais à un retour sur l'instrument exogène du Strophalos avec la
manipulation interne de ses effets - or, de l'impasse matérialiste de la drogue
ingérée, Couliano reprend une autre piste qu'il qualifie d'entièrement
artificielle, quoique cependant, celle-ci, tout interne. Il s'agit de
l'Art de la Mémoire - ainsi désignée deuxième
méthode pour invoquer les démons. A la suite de quoi il mentionne la
troisième circonstance en l'espèce de la maladie mentale, à
laquelle il rend hommage d'éventuellement donner le loisir de communiquer
la témoignage fort précieux ... que la source principale des démons est
l'inconscient.
A ce point, comme de semblable manière à ma présente recherche,
Couliano se trouve rendu à la nécessité de dresser une classification des ou
de la magie(s) ; en quoi il démontre la difficulté non résolue d'une telle
entreprise, que ce soit par la dichotomie entre magie naturelle, aussi
nommée spirituelle, avec pour représentant Marsile Ficin, et la
dénommée démonomagie représentés par Trithémius - ou à
l'autre extrême la classification en neuf genres de la magie selon Giordano
Bruno. A travers la somme des contraintes logiques et politiques, l'histoire
montre son échec de classification ; qui nous ramène à l'époque actuelle à
la remise sur l'ouvrage, par la psychanalyse, de distinguer, ou décrypter le
moyen pour l'activité humaine de résoudre le contrôle réciproque, ou le
rapport, entre le Signifiant et le signifié.
Avant de refermer cette parenthèse sur la démonomagie, il ne sera pas inutile de la conclure, comme le fait Couliano sur l'examen de l'opérabilité du signifié sur le signifié selon Trithémius - précisant quant à moi ce que je vise dans cette perspective:
Lorsque l'on contemple la science, telle
qu'on la fabrique de mes jours, on observe qu'elle ne sort qu'à peine d'un
régime qu'elle assuma depuis la Renaissance, à prétendre opérer dans
divinité(s), voire même sans que l'être humain, son agent, fut impliqué dans
la description qu'il donne des phénomènes de la nature. Ce n'est qu'avec la
pression d'un désordre environnemental qu'il semble induire, que le
scientifique commence à assumer la contrainte de réfléchir au facteur de son
humanité au total de ses déductions.
Ces dernière années nous avons déjà franchi le problème de
cette logique, en élaborant la théorie structuraliste de la signification. Il
s'agit du lacanisme. mais nous nous heurtons à sa considération pratique.
Nombre de psychanalyste y ont déjà rebondi, comme sur un mur, en rejoignant
l'état d'esprit des étourdis qui sous le choc ont perdu notion de la
réalité, et ne rêvent plus que d'un monde de pur Signifiant en ayant perdu
les sens, et le bon sens qu'il existe sous leur drame une trame de choses qui
interfèrent. Or s'ils peuvent ainsi vivre du prétexte que ledites choses
n'apparaissent qu'à leur signification, c'est d'ignorer l'indicible rapport des
choses entre elles qui s'entretiennent selon leur Code. Sous les béatitudes du
Signifiant qui vole, c'est un monde de démons qui vivent selon leur propre code
qui leur donne appétit, sinon désir dont ils se sustentent. Si ceux-là sont insaisissable
au Signifiant, inspécularisable dirait-on au miroir psychique, ils s'y
révèlent en scotome, matière noire dira-t-on jusqu'à ce qu'à sa place
vienne de la nature la parfaite illusion, l'hyper-réalisme de sa pareille - ce
que je suggère qu'on appelle Lapareil. Il s'agit de ce que le Code forme à lui
seul, l'appareil cybernétique auquel on se heurte. C'est ce en quoi
l'intelligence artificielle peut être reconnue comme la conclusion du démon.
Les machines de la réalité virtuelle constituent cette oeuvre à présent
objective, sinon sensible, que l'opération magique de l'histoire hermétique
produit en terme de notre vie terrestre. C'est pour cela qu'il y a lieu d'y
réfléchir ce que la démonomagie de sa préconception nous livre de savoir -
c'est comme cela que nous nous trouverons en vie, passé le mur de l'Histoire,
des démons.
Renforcés par cette exigence vitale voyons ce que rapporte le rapport de Couliano sur, de Trithémius le leg majeur au titre de sa Steganographie, qu'on appelle en termes modernes cryptographie :
L'histoire montre que l'entreprise de Trithémius fut un échec,
partagé par ses élèves comme son disciple Agrippa. Trithémius lui-même
chercha à la détruire. Sur ce point, la comparaison avec l'œuvre de Lacan est
rudimentaire - par la confrontation de la psychanalyse avec les perspectives de
l'abbé n'en est pas moins indiquée. Non seulement cette oeuvre inachevée et
en partie jetée aux flammes par son auteur fait penser à un symptôme, mais
dans ce que Trithémius en préface la comparaison se renforce.
Trithémius ouvre ses écrits sur une présentation de farce. C'est
à distraire l'attention du lecteur qu'il escompte le décourager de croire en
ce qu'il dit - puisqu'il faut bien qu'il y en ait qui ne réalise la présence
de son code dans une cryptographie pour qu'elle tienne caché ce qu'elle crypte.
Il s'agit, au fond, d'une farce, dont le but est de
confondre le public, pour que la cryptographie, dévoilée et divulguée, ne
perde pas son efficacité. Si tout le monde est capable de lire un message
codé, autant vaut renoncer aux bénéfices de cet art - explique
Couliano. Ce procédé est très probablement le même que l'on peut analyser au
travers du texte Biblique lu par Freud dans son identification de Moïse. Pour
que l'histoire de l'homme Moïse garde sa puissance cachée, il faut l'écrire
d'une lettre qui détournera l'attention du code qui l'anime - ainsi par exemple
la lettre dira, comme Freud la lue, qui Moïse fut tué sans échapper au-delà
de quelque mont Hermon où se sera développé par la suite l'hermétisme. Ainsi
le code d'Akhnaton à Orphée ou Oedipe, sera-t-il contenu dans un texte qui
convaincra d'une figure de Moïse qui traduira la vanité de chercher son sens,
sinon dans l'illusion que Freud, mélancoliquement n'ignore pas être. La
religion ainsi s'avère de la structure du symptôme, et Freud y aura lu le
meurtre de Moïse, qui garanti qu'on n'aille pas le chercher vivant.
Cette fonction de farce est ce qui trompa les premiers lecteurs de
Trithémius qui y virent un écrit hérétique, et les magiciens ultérieurs qui
ont continué de voir, dans la Stéganographie, un des
ouvrages les plus abstrus de la kabbale et de l'occultisme pratique.
Ainsi Freud dénonçait-il que la Bible déclarait l'interruption de la vie de
l'Atonisme, tandis que les peuples ultérieurement avait continué d'y voir un
des ouvrage les plus certifiables du mysticisme pratique. Et c'est ainsi que
l'élucidation de l'Akhnaton-Moïse-Oedipe dévoile que le semblant meurtre de
Moïse était une farce - farce que pour les dupes il convenait de refouler;
tandis qu'ignorant alors du mensonge qu'il recelait, le religieux serait
détourné de l'idée d'un Moïse survivant et d'autant convaincu de l'idéal
pratique de son texte sacré. En d'autres termes encore, la Bible cacherait
quelque chose, dont la révélation (freudienne) découvrirait être le meurtre
de Moïse - mais cette chose étant un mensonge ; ainsi l'excellent verrou de la
vérité - et l'adorateur de la Bible ignorant du mensonge puisqu'elle le cache.
Plus après Freud et sa révélation trompée (Freud crut en le
meurtre qu'il déchiffrait) - la vérité d'Akhnaton échappé et survivant peut
arriver au jour, de remontrer alors que la Bible avait néanmoins raison (tout
du moins de ne pas dire ouvertement le mensonge). Passons l'explicite
avertissement du procès dans Oedipe à Colone, où Sophocle explique qu'on
averti le fuyard qu'on fera croire à sa mort - et retenons l'exemplaire
formation du symptôme à l'usage des masses - pour revenir à la documentation
de la Stéganographie. Nous sommes à présent d'autant mieux fondé à
reconnaître le texte de Trithémius, non plus comme un écrit hérétique ni
comme une oeuvre d'occultisme praticable, mais comme un symptôme.
A partir de cette assurance nous sommes mieux fondés à le
décrypter cette fois-ci en vérité, et non plus comme un traité de
cryptographie. Comme la Bible en la vérité qu'elle offre en profondeur au lieu
d'un traité de vérité qu'elle impose sur les hauteurs, nous considérons le
texte de Trithémius comme un symptôme - c'est à dire ce qui se décrypte par
l'interprétation, laquelle est d'abord hypothèse.
Si la Stéganographie est un symptôme, c'est une formation de
l'Inconscient qui contient sa propre clé. J'ai mentionné ses premier lecteurs,
et les derniers, tous prenant, pour ainsi dire le symptôme à la lettre. Entre
les deux il y en eut quelques uns que Couliano appelle les interprètes
sérieux de la cryptographie trithémienne. Ceux-là ont affirmé
qu'il n'y avait rien d'hérétique ni erroné dans le traité de l'abbé - le
symptôme effectivement n'est pas absurde ni sans éthique - mais dans la mesure
où ils ont encore lu le texte pour en garantir la sanité, nous sommes, nous,
en mesure de les lire, eux, comme traduisant sa vérité sans le voir. Nous
sommes proche de la manière que je viens de décrire, de lire Freud au principe
de ce qu'il dévoile est encore masqué, sous la forme de la tromperie d'un
mensonge. C'est pourquoi l'hypothétique interprétation que l'on peut faire de
la Steganographie à partir de Couliano, demeurera quant à moi indécidable -
mais néanmoins précieuse à évaluer.
De manière concise, comme l'interprétation tombe, voici ce qui
ressort de la Steganographie : les conjurations
démoniques (qui y sont écrites) ne
sont que des textes chiffrés, tandis que les noms des démons représentent le
code des messages respectifs. Nous aurions là la clé du
symptôme que la psychanalyse identifie. Principalement, les noms des
démons représentent le code. L'hypothèse suffit. On admettra sa
valeur en se rappelant l'objet de la présente étude, qui cherche le rapport
entre le Signifiant (les noms) et le code qui rapporte les choses entre elles
(tandis que le Signifiant rapporte les choses à quelqu'autre Signifiant).
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