La conjonction clonage & mémoire constitue certainement
la clé du clonage et probablement celle de la mémoire. La clonage est une
réalité apparue avec l'identification au cours 20em siècle des chromosomes.
On appelle leur expression à présent ADN (la notion est utile aussi d'une
matière intermédiaire qu'on appelle ARN). Pour dégager un premier principe de
la mémoire génétique la science s'est basée sur l'analyse restreinte du
mécanisme de l'ADN. Rappelons d'abord sa vue générale :
D'emblée nous avons rencontré un paradoxe ou énigme puisque ADN
"est" mémoire. A première vue, il n'y rien qui soit plus
'mémoire' que de l'ADN. Pourtant nous nous en défendons en prétendant
que si nous nous aventurions à attribuer à l'ADN la charge
de tout ce qui fait la personne humaine, ce serait la preuve que nous
baserions notre identification sur une référence tout
à fait imaginaire. C'est d'ailleurs cette imagination dont on se garde au
nom du crime de la prétention d'en prendre acte (c'est à dire de former
un clone humain). L'ADN dira-t-on alors est comme une Lettre, mais pas
moins résidu qu'une Lettre ; boulon et scorie de la mémoire, l'ADN est
une crénelure, un code, qui bloque ou libère certains mécanismes, ni
plus ni moins.
De même qu'une clé n'est pas la
porte et même si elle est nécessaire pour franchir cette
dernière - de ce point de vue l'ADN est une part peut-être nécessaire, mais loin
d'être suffisante de ce qu'on appelle la mémoire.
La raison pour laquelle l'ADN est
lié à la mémoire vient de ce qu'il se transmet. Il passe, par moitiés
et sans altération, d'une génération à l'autre. C'est ainsi que sa
découverte a confirmé l'évidence par ailleurs, que la vie se
perpétuait par une transmission de caractères . Pourtant, malgré cette
évidence et sa confirmation, on continue d'affirmer que la mémoire n'est
pas tout ça, ou ne tient pas qu'à ça.
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Nous allons voir qu'en nous engageant à présent sur ce chemin
d'étudier l'examen du même (du clone) & du permanent (la
mémoire), nous allons aussitôt rencontrer un débat sur l'évolution. Il
convient donc d'en préciser aussi le termes généraux ; en nous avertissant
d'une curiosité qu'on va voir ; il s'agit du fait que les débats et théories
de l'évolution ne traitent pas du phénomène de la mémoire. Quant au
clone, nous nous demanderons s'il est évolutif - mais regroupons d'abord
des données concernant l'évolution :
Deux
théories de l'hérédité dominent la scène du débat sur une distinction, concernant
l'inné et l'acquis ainsi que leur transmission. Il s'agit des thèse de
Lamarck et de
Darwin .
La première (1800) énonce que sont
transmis des caractères acquis, lesquels ont été formés sous la
pression de l'environnement, par le désir de satisfaire aux besoins
nouveaux créés par cet environnement. L'adaptation acquise dirait-on se
transmet à la descendance.
La seconde (1850) fait d'abord valoir que l'environnement ne
joue pas simplement un rôle de pression mais applique aussi une fonction
d'élimination qui réalise une sélection naturelle. C'est sur cette
seconde théorie que la génétique permet (1950) d'attribuer une place
prépondérante à l'accidentel de mutations que filtrent ladite
sélection. Au lieu du désir
qui répond au besoin, on désigne le hasard
qui donne l'occasion de la sélection. L'adaptation acquise, du coup n'est plus une explication
nécessaire, l'accident suffit à la sélection naturelle pour que soit
transmis ce qui n'est pas éliminé.
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On voit qu'entre Lamarck et Darwin l'enjeu n'est rien de moins
que de fixer la raison de la vie soit au désir, soit au hasard. Il convient de nous rappeler de la tache colossale que ces
théoriciens affrontaient : ce qui précédait leurs élucubrations n'était
autre que la thèse de la Création à partir de rien d'autre que la pensée de
Dieu. Les deux grands courants de pensée qui s'en suivirent pouvaient bien
d'abord par précaution ne rien dire de bien conséquent (le
lamarckisme est oublié et le darwinisme implique le créationisme puisqu'il
implique la cause au hasard). C'est pourquoi ils se
seraient dispensé de mettre la mémoire aux catalogues de leurs facteurs
en débat.
Par contre la mémoire est une donnée qui s'impose plus en
psychologie. Or de ce domaine, la psychanalyse a montré qu'elle
était concernée par le débat sur l'évolution, puisque Freud allait tenter de
s'éclairer des modèles relatifs à l'inné et à l'acquis :
Qu'il s'agisse du
désir ou du hasard, chacun des deux cas s'appuie sur un concept
susceptible de les unifier - il s'agit de la mémoire. C'est à son
examen que la psychanalyse apporte l'élément tierce : néanmoins pas
innée, une partie de ce dont on hérite s'avère jamais acquise. Il
s'agit évidemment de l'Inconscient, mais
Freud aura revendiqué qu'on
ajoute au catalogue du sensible des traces de la mémoire.
Voici
résumé (ou interprété) ce qu'on trouvera, ici en
anglais, à la fin de
son testament Moïse et le Monothéisme :
Opposé à la transmission
des acquis (Lamarck, loi du désir), l'héritage génétique
(Darwin, hasard et sélection) s'apparie nécessairement à une autre
forme d'héritage, qu'on peut appeler héritage idéationnel.
Les termes de "transmission" et
"héritage" sont arbitrairement appliqué aux caractères acquis
et au génétique inné, afin de distinguer les deux théories de
l'évolution ; nous nous en servons aussi pour indiquer que c'est sous le
mode dit d'héritage que la psychanalyse identifie cet idéationnel
qu'il appelle des traces de mémoire. Des traces de mémoire
sont ce qui, selon Freud, représente la mémoire, environnementale
à l'individu et qui à elle seule
parviendrait à une théorie de l'évolution unifiée.
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Telle est globalement la situation du
clone, selon les théories actuelles. La théorie
Lamarckienne
n'ayant plus cours, selon le pur darwinisme génétique (Darwin
& Weisman) un
clone serait entendu comme équivalent d'une mutation hasardeuse et
ultérieurement probablement éliminé par sélection naturelle. Il
constituerait une mémoire comme un éléphant aujourd'hui sorti des
glaces et qui fond pour quelques heures d'observation dans un
laboratoire.
La psychanalyse freudienne, comme théorie de la
mémoire et en tant qu'elle s'occuperait d'évolution, décrit un
autre destin, puisque un clone trouverait un milieu
où des traces
de mémoire seraient susceptible d'apporter à la
concordance de son ADN, l'héritage
idéationnel dont il aurait besoin pour exister à nouveau. |
Une note, peut-être utile pour la suite : la
mention faite préalablement que la génétique actuelle est proche
d'associer à l'ADN du noyau, l'ARN du cytoplasme cellulaire fournit un
bon appui, au moins de modélisation, pour coordonner ou illustrer ces
éléments que Freud appelle traces mnésiques. En tant que modèle,
on peut voir le cytoplasme s'interposer comme un espace intermédiaire
entre l'héritage génétique et l'environnement naturel qui s'oppose
autrement à la mémoire ADN par élimination/sélection. Avec l'ARN intermédiaire, l'ADN
ne subit pas mais compose
au contraire avec ladite sélection ; en quoi l'on est proche de retrouver la
raison d'une logique de désir lamarckien (que la psychanalyse vise à
analyser)
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Il convient pour finir que nous nous souvenions que Freud suggère
que son hypothèse
(héritage idéationnel) résout, selon ses termes, la distance qui
sépare psychologies individuelle et collectives. Autrement dit, un clone peut se
trouver en capacité darwinienne génétique de survivre à sa naissance - mais cette
potentialité individuelle ne pourra être effective qu'à condition que
l'héritage idéationnel qui la motive, soit garantie par une psychologie
collective, qui va à présent faire l'objet de la seconde partie de la page
actuelle.
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