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Conférence donnée par Mme Laurence Tempère

selon sa disquette remise à l'EPE43

 

Actes de la Conférence du 13 janvier 2004

 

 

présentée par Laurence Tempère, Psychologue clinicienne

à l'Ecole des Parents et des Educateurs de Haute-Loire

 

 

 

SEPARATIONS ET RETROUVAILLES

 

L'entrée en crèche :

Grandir avant de se séparer ou se séparer pour grandir ?

 

 

 

Bonsoir à toutes, Bonsoir à tous.

Je tiens d'abord à remercier les professionnels et les parents, nombreux, présents ce soir.

Leurs questions seront entendues et j'essaierai d'y répondre au mieux dans la deuxième partie de cette conférence.

 

Mon intervention sur le thème des séparations et des retrouvailles chez le jeune-enfant sera celle d'une psychologue dont l'approche est centrée sur le "point de vue" de l'enfant et donc sur la compréhension de son vécu, afin de lui apporter davantage de bien-être ou tout du moins de mieux-être.

 

Cependant, je n'ignore pas les contingences socio-économiques qui obligent à des séparations et qui les transforment souvent en déchirements (de part et d'autre).

Ces déchirements engendrent eux-mêmes une culpabilité qui débouche souvent sur une 'impasse.

Mon discours n'a pas pour but de juger et culpabiliser mais amener un éclairage qui puisse permettre une meilleure compréhension du vécu psychologique du jeune enfant.

 

Dans la multiplicité des théories et "solutions" autour de ce thème, je serai moi-même amenée à privilégier un point de vue plutôt qu'un autre, et ceci par rapport à mes observations et expériences, professionnelles et personnelles.

 

 

 

 

Œ

 

En guise d'introduction, je dirais tout d'abord que la séparation est un événement répétitif tout au long de la vie, répétitif mais inévitable. C'est une épreuve dont la réussite conditionne la manière d'être au monde.

 

Aucune séparation n'est "facile", ni pour l'enfant, ni pour les parents.

On fait avec, on s'en accommode, on la digère … mais tout à chacun conserve au fond de soi une angoisse plus ou moins forte, celle d'être abandonné, de ne plus être aimé, d'être mis à l'écart.

 

La première des séparations est en quelque sorte le prototype de toutes celles qui suivront : la naissance.

La manière dont se sont déroulés la conception, la grossesse et l'accouchement contribue déjà à organiser la relation mère-enfant et à jeter les bases d'une séparation future satisfaisante.

La naissance vient séparer pour la première fois la mère de son enfant.

Elle implique donc le deuil de l'état de grossesse, puis le deuil de l'enfant imaginaire, parfait, idéal.

 

La nouvelle maman doit alors se restructurer, se reconstruire en quelque sorte, en incluant le nouveau-né dans sa vie psychique, d'où la nécessité de limiter au maximum les longues séparations précoces.

En effet, il a été observé que les mères de prématurés ont plus de difficultés à nouer une relation avec leur enfant lorsqu'il rentre au domicile (d'où le développement dans les maternités des unités "kangourous"). Nous connaissons tous également les travaux de René Spitz sur l'hospitalisme, travaux qui ont démontré le rôle pathogène des séparations précoces et des carences maternelles en décrivant la dépression anaclitique.

 

La manière dont se déroulent les premiers jours et les premières semaines a des effets à long terme sur la relation mère-enfant, facilitant ou défavorisant le processus d'attachement.

Et c'est justement de l'existence d'un attachement sécuritaire dont dépend la capacité à se séparer correctement, et donc à se retrouver avec plaisir.

Un attachement mère-enfant insécurisant rajoute de l'anxiété au processus de séparation.

C'est pour cela que les séparations prolongées de la petite enfance devraient être évitées, parce qu'elles interfèrent dans le développement d'un attachement sécurisant.

 

La séparation est toujours une épreuve et un déchirement (au moins pour l'un des deux partenaires) et implique par conséquent un travail de deuil de la situation antérieure, de l'illusion d'une fusion duelle.

 

Hélène Deutsch disait avec justesse :

"Les deux plus grandes tâches de la femme en tant que mère consistent à fondre d'une manière harmonieuse son unité avec l'enfant et à la dissoudre harmonieusement plus tard".

 

Une séparation réussie ouvre la voie à l'individuation, à l'autonomisation, à la confiance en soi, à la générosité. Et dans la majorité des cas, la collectivité apporte un enrichissement à l'enfant.

 

Une séparation mal élaborée laisse un sentiment d'insécurité, de manque, de carence, parce que, en amont, la relation de base mère-enfant n'a pas débouché sur suffisamment de confiance en soi et dans le monde.

 

On entend dire souvent, et avec raison, que "le bébé est une personne", et qu'en tant que tel, il devrait pouvoir bénéficier (idéalement) des mêmes égards, de la même attention, du même respect que l'on accorde à un adulte.

Cependant, dire qu'un bébé est une personne ne veut pas dire qu'il dispose des mêmes capacités de compréhension, de jugement ou de raisonnement qu'un adulte.

En effet, il y a d'une part une immaturité biologique et un inachèvement des structures et fonctions cérébrales et d'autre part une absence de toute expérience et de toute connaissance.

 

Cette immaturité cognitive rend le bébé d'autant plus vulnérable et sensible aux agressions de l'environnement d'une part (bruit, lumière, odeurs …) et d'autre part à ses propres ressentis douloureux (faim, soif, coliques …) et émotionnels (peurs diffuses, solitude …), puisque justement, le nouveau-né ne dispose pas des outils intellectuels nécessaires à leur compréhension, à leur analyse.

Je citerai donc brièvement les étapes du développement cognitif de l'enfant de 0 à 3 ans afin, en quelque sorte, de "regarder le monde avec des yeux d'un bébé" :

La période de 0 à 2 ans se caractérise par une intelligence dite sensori-motrice au cours de laquelle va progressivement se construire la conscience de Soi et de l'Objet, concepts qui n'existent pas à la naissance.

L'intelligence sensori-motrice est une intelligence pré-verbale, pratique, sans représentations mentales ou peu, sans langage élaboré, sans concept : le jeune enfant, avant 18 mois, est incapable d'évoquer des personnes ou des objets en leur absence, de les imaginer, de se les représenter.

 

- A la naissance, le nouveau-né ne se différencie pas de son environnement, il est dans un état de confusion entre le Moi et le non-Moi. Il vit dans un monde sans objets, sans causalité, sans notion d'espace et de temps.

 

- Entre 1 et 4 mois il y a acquisition progressive de la coordination entre vision et audition.

 

- Entre 4 et 8 mois, il y a acquisition de la coordination entre vision et préhension.

 

- A 8 mois, débute la permanence de l'objet (l'objet caché est recherché à l'endroit initial de sa disparition sans tenir compte des déplacements invisibles).

 

- Vers 8 mois apparaît la fameuse angoisse du 8ème mois, liée justement à l'accès à la permanence de l'objet (qui s'achèvera à 2 ans) : l'enfant réalise que sa mère est une personne entière, distincte de lui, et de laquelle il est entièrement dépendant.

 

- Entre 8 et 12 mois, l'enfant dans ses jeux distingue le but des moyens.

 

- De 12 à 18 mois, l'enfant découvre des moyens nouveaux par expérimentation active (toujours sans représentation).

Il y a acquisition de l'objet permanent (l'objet caché est recherché en fonction des déplacements visibles) et acquisition des notions de temps et d'espace de manière plus objective.

 

- Entre 18 et 24 mois se met en place l'accès à la représentation mentale d'un objet : l'objet absent est évocable. Cela permet également à l'enfant d'inventer de nouveaux moyens par combinaison mentale.

La permanence de l'objet est définitivement constituée et permet à l'enfant de se représenter les déplacements invisibles.

L'enfant devient apte à se situer dans le temps et l'espace qui englobent lui-même et le monde.

 

- Après 2 ans débute la période pré-opératoire, ou stade de l'intelligence symbolique, qui s'étale jusqu'à 6-7 ans (c'est une pensée pré-logique fondée sur la perception et égocentrée).

 

n.b. : - La période opératoire s'étale de 6-7 ans à 11-12 ans (acquisition de la réversibilité logique, capacité à effectuer des opérations en pensée sur le concret, capacité de décentration et donc de réciprocité).

 

- La période des opérations formelles débute vers 11-12 ans (capacités d'abstraction, raisonnement hypothético-déductif, développement du jugement moral).

 

 

è Ce n'est donc pas avant 18 mois que le bébé est capable d'avoir à la fois :

- une conscience de soi,

- de se différencier de sa mère,

- de se représenter son absence,

- d'anticiper son retour,

- de se situer dans un espace et un temps suffisamment objectifs.

 

 

Mais Attention, ce n'est pas pour autant qu'il faut se dire :

Puisque mon bébé ne peut comprendre pourquoi je pars et que je vais revenir, cela ne sert à rien de lui expliquer.

Je rappellerai donc encore une fois que si les compétences intellectuelles du bébé sont effectivement immatures, il est extrêmement perméable au contenu émotionnel du discours, à "l'atmosphère" qu'il véhicule.

Il est donc tout aussi important de parler du déroulement de la journée à venir (quand on viendra le chercher, qui viendra, qui prendra soin de lui en attendant …), que de mettre des mots, de donner du sens aux expressions émotionnelles et ressentis physiques du bébé : ceci permet l'accès à une pré-symbolisation, à un pré-langage. . . ("je vois que tu es inquiet que je parte, mais j'ai confiance dans la personne qui va s'occuper de toi, je t'aime et je reviendrai te chercher pour rentrer à la maison après ta sieste …")

 

 

Ž

 

J'ai dit tout à l'heure qu'un attachement sécurisant était une des conditions (mais pas la seule) pour que le processus de séparation se déroule de façon satisfaisante.

Je vais donc vous parler maintenant de ce qu'on appelle un attachement sécurisant.

 

On peut définir l'attachement comme un lien émotionnel et social d'un individu envers un autre.

Ce lien peut concerner plusieurs personnes, éventuellement à des degrés différents.

L'attachement se manifeste par la recherche et le maintien de la proximité en même temps que la personne privilégiée est utilisée comme base de sécurité aux activités exploratoires.

 

Plus le bébé grandit, plus les conduites d'attachement deviennent plus nettes et plus fréquentes, puisque l'enfant devient capable de se différencier de son environnement, de distinguer sa mère comme personne entière dont il dépend, d'élaborer une première ébauche de son Moi.

 

La théorie de l'attachement a été élaborée à partir des travaux en éthologie effectués dans les années 40 et 50 par Lorenz (théorie de l'empreinte et de l'imprégnation à partir de travaux menées sur les oies), et par Harlow (qui a démontré que le réconfort était la variable primaire pour favoriser l'affection d'un jeune primate).

 

 

Je tiens à souligner que, même si le discours social fait de l'indépendance, de l'autonomie, de la socialisation à tous crins un impératif, en amont il existe d'abord un lien normal de dépendance et d'attachement entre le petit enfant et sa mère.

Ce lien n'est pas le reflet d'une faiblesse mais une force qui donnera à l'enfant suffisamment de confiance pour quitter sa mère (parce qu'elle lui a apporté tout ce dont il avait besoin) et aller vers l'extérieur.

 

 

On ne force pas un enfant à être autonome et indépendant, ou alors on prend le risque de voir se développer agressivité, peurs, soumission, égoïsme, manque d'humanité …

 

La véritable autonomie, qui s'accompagne d'une confiance en soi et dans le monde, n'est possible qu'à la condition qu'aient été vécus auparavant une dépendance et un attachement sécurisants, que l'enfant ne soit pas dans l'éternelle insatisfaction et les continuelles revendication.

 

 

 

C'est John Bowlby, Psychanalyste d'orientation kleinienne, qui a présenté, dès les années 50, la première ébauche de sa théorie sur l'attachement mère / enfant.

Il désigne sous ce terme le lien particulier qui unit le jeune enfant à sa mère, et par la suite aux autres personnes de son entourage.

 

Selon Bowlby, la pulsion d'attachement est une prédisposition innée, une tendance primaire de besoin de contact social réconfortant (attachement semblable à celui observé dans le monde animal).

La pulsion d'attachement se manifeste par : une recherche de soins, de contacts, de protection devant le danger, d'interactions sociales …

On peut à ce sujet souligner les énormes disparités dans le monde qui existent dans les réponses que les mères apportent à ce besoin de contact : il n'y a qu'à observer comment se pratique le maternage dans les cultures traditionnelles d'Inde, d'Afrique ou d'Amérique du Sud (contacts quasi permanents, lit commun …).

 

Bowlby a distingué les différents comportements du bébé (génétiquement programmés mais sujets à apprentissage) destinés à faciliter la communication des besoins et à maintenir la proximité :

la succion, les cris et les pleurs, le sourire et la tendance à s'accrocher, à s'agripper.

 

 

Rappelons que les pleurs sont pour le bébé le seul moyen de communiquer ses besoins de nourriture, d'amour, de réconfort, de protection.

C'est aussi un moyen de décharge émotionnelle.

Les enfants devraient donc pouvoir exprimer librement leur chagrin en cas de séparation.

 

Bowlby déplorait notamment la tendance chez certains adultes à empêcher les enfants de pleurer (quelque soient les moyens utilisés) car cela conduit à un refoulement des sentiments entraînant rupture de communication, angoisses, agressivité, cramponnement ou bien fuite de tout contact…

Il est donc important de répondre à un enfant qui pleure plutôt que de le rejeter, le distraire ou le punir.

L'enfant a besoin que ses parents soient capables d'écouter l'expression de sa colère, de son chagrin et de sa peur et d'entrer en empathie avec lui.

Il apprendra alors qu'il n'a pas besoin de réprimer ses émotions douloureuses pour être aimé.

Se sentir accepter de façon inconditionnelle favorise un attachement sécurisant entre l'enfant et ses parents.

 

 

Lorsque vous-même, adulte que vous êtes devenu maintenant, vous vous autorisez à exprimer chagrin, tristesse, colère … (sachant que nombre d'entre nous ne se le permettent pas ou plus …), aimeriez-vous que votre interlocuteur minimise votre discours, se moque de vous, vous propose d'aller vous changer les idées, ou vous ignore en vous laissant pleurer ou tempêter dans un coin ? …

Ne trouvez-vous pas plus agréable que de pouvoir lâcher prise et de se laisser aller auprès de quelqu'un, peut-être même dans ses bras ?

Si cela vous semble vrai alors accordez cette écoute à vos enfants.

Si cela vous met mal à l'aise, si cela vous semble ridicule, posez vous la question de savoir comment, lorsque vous étiez enfant, on réagissait autour de vous et quel était le discours tenu face à vos pleurs ou vos colères…

 

C'est Mary Ainsworth qui a étudié les différents types de relations d'attachement mère/enfant dans les années 60.

 

Elle a décrit 4 étapes dans l'évolution des conduites d'attachement et de la peur de l'étranger la première année :

- premier trimestre : les conduites d'attachement sont rares et peu différenciées. Dans les bras d'un étranger, le bébé peut protester mais n'éprouve ni peur, ni anxiété.

 

- deuxième trimestre : les conduites d'attachement en direction de la mère se différencient (pleurs, sourires, vocalisations); l'étranger est facilement accepté.

 

- troisième trimestre : il y a d'avantage de conduites de suite et d'accueil. Le bébé est mal à l'aise avec l'étranger.

 

- quatrième trimestre et au-delà : fréquentes conduites de suite et d'accrochement, la mère est utilisée comme un refuge, une base de sécurité. Les réponses négatives aux étrangers s'intensifient.

 

 

Outre la fonction de protection apportée par la mère, Ainsworth suggère une deuxième fonction: l'utilisation de la personne maternante comme une base de sécurité pour l'exploration du monde physique et social par l'enfant.

Plus l'enfant se sent en sécurité, plus il se permet de s'éloigner pour combler son besoin d'explorer.

A l'inverse, plus le sentiment de sécurité est menacé, plus l'enfant recherche la proximité de la figure d'attachement afin de rétablir son sentiment de sécurité.

L'enfant qui utilise sa mère comme base de sécurité fait des allers et venues entre elle et son espace de jeu, il peut recourir à sa base de manière tactile, visuelle ou verbale, enfin, il interrompt parfois son activité exploratoire pour s'assurer que sa mère est toujours bien présente.

 

L'éloignement s'accroît avec l'âge, jusqu'à être hors de vue, et les recours à la base diminuent. Ces conduites observables vis-à-vis de la mère peuvent s'étendre à d'autres personnes au fur et à mesure que s'étend le champ social.

 

Les travaux d'observation d'Ainsworth pendant la première année de vie du bébé lui ont permis de découvrir l'existence de différences interindividuelles importantes entre les enfants dans la qualité de la relation d'attachement, différences qui s'illustrent dans la capacité de l'enfant à maintenir un équilibre sécurisant entre proximité et exploration, en quelque sorte "ni trop près, ni trop loin".

 

Ces différences dans la qualité de la relation d'attachement ont été associées à des différences de qualité de maternage entre les mères.

Une mère attentive aux signaux de son enfant et qui y répond de façon approprié dans un court délai permet à son enfant de développer un sentiment d'attachement sécurisant.

Il acquiert ainsi un sentiment de confiance à la fois en la réponse maternelle et en sa propre capacité de contrôler ce qui lui arrive.

 

 

 

 

 

 

 

Ainsworth a défini 4 types de relations d'attachement chez des enfants de 12 à 18 mois (suite aux observations expérimentales menées dans le cadre d'une procédure dite "situation étrangère") :

- l'attachement sécurisant,

- l'attachement insécurisant-évitant,

- l'attachement insécurisant-ambivalent,

- et l'attachement désorganisé-désorienté (fréquent chez les enfants victimes de maltraitance).

 

 

L'attachement sécurisant caractérise la majorité des relations mère-enfant. Les enfants quittent facilement les bras de leur mère pour explorer les jouets disponibles et partagent avec elle leur enthousiasme. Ils profitent de sa présence pour se familiariser activement avec ce qui est nouveau, retournant périodiquement vers elle comme vers une base de repli sûre.

La majorité d'entre eux acceptent d'interagir avec l'étrangère en présence de leur mère.

Généralement, ils protestent vigoureusement quand ils en sont séparés, en particulier s'ils se retrouvent dans un lieu inconnu.

Quelque que soit la détresse manifestée lors des séparations, ils rétablissent le contact chaleureusement avec leur mère dès son retour, ce qui leur procure un réconfort suffisant pour entraîner le retour à l'exploration.

 

L'attachement de type insécurisant-évitant représente environ 20 % des relations mère-enfant dans les sociétés occidentales. Les enfants ont des comportements indépendants d'exploration et un évitement actif de la mère au moment de la réunion. Même lorsqu'ils manifestent des signes de détresse, ils ne recherchent pas immédiatement le contact avec leur mère à son retour et détournent leur attention généralement vers un jouet. Le contexte relationnel est dans cette situation source d'anxiété que l'enfant cherche à éviter.

 

L'attachement de type insécurisant-ambivalent (ou résistant) représente moins de 15 % des relations mère-enfant dans les sociétés occidentales. Les enfants explorent peu, éprouvent un niveau de détresse élevé lors des séparations et sont difficilement réconfortés au moment de la réunion.

 

Dans l'attachement désorganisé-désorienté, les enfants ne semblent pas avoir élaboré de stratégie cohérente pour utiliser leur mère comme base de sécurité. On peut observer deux tendances comportementales opposées : l'évitement et la résistance, et des attitudes particulières comme s'immobiliser avec le regard fixe au moment de la réunion ou s'approcher de la mère en détournant la tête.

 

 

Les différents types d'attachement sont associés à des niveaux différents de vulnérabilité chez l'enfant à la psychopathologie et aux problèmes comportementaux, un attachement sécurisant correspondant au meilleur pronostic pour l'adaptation future.

 

è Un enfant qui a développé un sentiment de sécurité vis-à-vis de la mère et donc de confiance en soi abordera plus facilement le moment de la séparation.

Certains enfants qui sont insécurisés et donc anxieux (parfois transitoirement en raison d'un changement dans leur environnement ou d'une anxiété parentale) vont aborder la séparation de manière parfois déroutantes : on peut observer des alternances de phases de cramponnement et de pleurs et des phases de distanciation, d'exploration, d'indifférence (voire de fuite) vis-à-vis de leur parent, notamment lors des retrouvailles.

 

 

 

 

Nous allons voir maintenant comment la compréhension des étapes du développement psycho-affectif de l'enfant de 0 à 24 mois peut permettre de mieux gérer les séparations.

 

Rappelons que le nouveau-né est dans un état de confusion radicale entre le moi et le non-moi, il ne se différencie pas de son environnement. Il est soumis à des stimuli internes (faim, froid, sommeil …) et exogènes (bruit, odeurs, lumière …) dans un environnement chaotique où les notions de temps, d'espace, d'objet, d'altérité, de causalité n'existent pas.

Jusqu'à 6 mois environ, on définit le stade de développement comme "anobjectal". C'est-à-dire que l'enfant est dans l'incapacité de se reconnaître et reconnaître autrui comme des êtres différenciés, entiers et toujours identiques à eux-mêmes..

 

Quant à la mère, dans les premiers mois qui suivent la naissance, jusqu'au 5ème mois environ, Winnicott parle de Préoccupation Maternelle Primaire (la mère vit une période symbiotique avec son enfant). Grâce à l'extrême ajustement des soins maternels prodigués, le bébé va vivre dans "l'illusion" sécurisante de créer ce dont il a besoin. Ceci est à la base du sentiment de sécurité, de confiance en soi-même et de confiance dans un environnement ressenti comme "bon".

 

 

- Pour Winnicott, c'est la continuité, la régularité, la cohérence, des soins et de l'investissement maternel, la capacité de la mère "suffisamment bonne" à soutenir physiquement et psychiquement son bébé (la fonction de "holding") qui vont permettre au bébé d'acquérir petit à petit le "sentiment continu d'exister", de construire son "self", de supporter les expériences physiologiques, sensorielles, psychiques, du bébé auxquelles il est soumis.

 

C'est aussi grâce aux soins corporels, aux contacts (comme les massages), que le bébé différencie progressivement l'intérieur de l'extérieur, le dedans du dehors, une limite corporelle qui est le prototype du Moi (concept de Moi-peau développé par D. Anzieu).

 

- Pour l'auteur René Spitz, le sourire est un bon indicateur des progrès cognitifs effectués dans la reconnaissance objectale. Pour cet auteur, le sourire est ce qu'il appelle le "premier organisateur" (le second étant l'angoisse du 8ème Moi, le troisième l'acquisition du "Non").

Au cours du premier mois, le sourire est d'abord spontané, réflexe, endogène car provoqué par le bien-être interne (l'enfant repu sourit). Vers 3 mois, le sourire devient d'avantage social et est surtout suscité par des excitations visuelles, principalement par les visages humains. Vers 6 mois, le sourire social est plus sélectif en ne s'adressant qu'à des personnes privilégiées (l'objet est reconnu entier et distinct de soi).

 

- Pour Mélanie Klein, cette première période est qualifiée de position "schizo-paranoïde" car il y a indifférenciation entre le Moi et le non-Moi, il n'existe pour l'enfant que des objets partiels (sein, bouche, bras …), et il y a clivage entre les bons et les mauvais objets (bonne et mauvaise partie de soi, bonne et mauvaise mère, bon sein et mauvais sein …).

 

A ce stade l'objet-mère est alternativement bonne ou mauvaise (quand elle satisfait ou frustre), mais ne peut être à la fois bonne et mauvaise (pas encore d'accès à l'ambivalence).

Le "bon sein" est le prototype de la bonté maternelle, de sa patience, de sa générosité de sa créativité qui en font le fondement de l'espoir, de la confiance et de la croyance dans le bien.

 

 

 

 

 

 

è D'un point de vue cognitif et psycho-affectif, la période entre 3 et 5 mois semble donc être la meilleure pour introduire une assistante maternelle (une personne "relais"), car l'enfant n'a pas encore accès à la reconnaissance de l'objet total et par conséquent n'a pas encore développé d'angoisse de séparation.

Concernant le moment des retrouvailles, l'enfant présente encore peu de conduites de suite et d'accueil. Il ne manifestera donc visiblement peu ou pas d'attitudes joyeuses ou chaleureuses au retour du parent. Cela ne veut pas dire qu'il n'est pas pour autant sensible ou perturbé par le changement d'environnement, d'atmosphère, et dans le type de maternage dispensé. Il faudra surtout veiller à maintenir un cadre stable, calme, apaisant à ce tout jeune enfant.

 

 

- A l'aube de ses 6 mois,

grâce à la maturation psychique,

grâce à l'expérience tolérable de la frustration,

grâce à la continuité des soins,

grâce aux échanges verbaux et de regard qui introduisent du sens dans les expériences du bébé,

l'enfant commence à distinguer intérieur (ses besoins à lui) et extérieur (les réponses maternelles) et à partir de là apparaît la distinction Je/non-Je ou self/monde extérieur.

Cette opposition implique la reconnaissance de soi comme différente d'autrui.

 

 

è Si pendant les 6 premiers mois la plupart des bébés ne protestent pas ou peu quand ils sont portés par des personnes inconnues ou confiés à elles, si jusqu'alors les sourires étaient adressés de manière relativement indifférenciée, la situation change parfois de manière spectaculaire entre 6 mois (plus ou moins) et 1 an.

Apparaissent alors les premiers signes d'angoisse de séparation et de peur des étrangers.

L'enfant proteste alors souvent quand un inconnu approche ou veut le porter.

A noter que l'absence de peur et d'angoisse vis-à-vis des étrangers est un signe inquiétant pour le futur développement psychique de l'enfant.

 

Confier un bébé de plus de 6 mois à quelqu'un devient donc moins facile (mais jamais impossible).

A partir de cet âge, l'enfant a besoin de beaucoup plus de temps pour s'habituer à de nouvelles personnes et se sentir à l'aise avec elles.

Concernant les retrouvailles, les conduites d'accueil deviennent plus explicites.

Il est important que le temps consacré aux retrouvailles ait une durée semblable et fasse l'objet de la même attention que celui consacré à la séparation (nous le verrons plus tard)

 

- L'accès au stade objectal (à partir de 6 mois environ) signifie que l'enfant acquiert une représentation d'ensemble de lui-même et de la mère comme personne entière et distincte de lui, qui peut tout aussi bien être bonne que mauvaise.

 

Cette reconnaissance :

. implique la perte de l'illusion réconfortante de "posséder" la mère et tout ce qu'elle apporte

("maman n'est pas complètement à moi, elle fait autre chose …");

. implique également le ressenti du manque et de la perte;

. provoque la première blessure narcissique, le bébé prenant conscience de son impuissance et de sa dépendance aux soins maternels pour sa survie physique et psychique;

. mais instaure également le principe essentiel de réalité, la notion du jugement d'exister.

 

 

 

 

 

L'accès au stade objectal signifie que l'enfant investit sa mère de manière ambivalente (amour lorsqu'elle le satisfait et haine lorsqu'elle le frustre).

C'est la période (6-18 mois) que Mélanie Klein nomme position dépressive car prédominent l'ambivalence et la culpabilité.

L'enfant peut ressentir de l'agressivité, de la rancoeur, de l'hostilité, quand sa mère le frustre, et il peut craindre (imaginairement) de faire du mal à ses parents. Il est difficile pour l'enfant d'intégrer cette notion d'ambivalence qui fait que nous tous par moment pouvons détester quelqu'un qu'habituellement nous aimons.

C'est pour cela que l'enfant va mobiliser des processus de réparation (marques d'affection, "cadeaux" …) ou se préserver de son angoisse par des défenses d'ordre maniaque (hyperactivité) ou de type obsessionnel compulsif (sucette …). Nous-mêmes faisons des "cadeaux" quand on pense qu'on a été "méchant", pour "réparer" ce que nous pensons avoir été une faute.

 

 

- Vers 6-8 mois, lorsqu'ils se trouvent en présence d'une personne inconnue (ou moins bien connue), les bébés se détournent d'elle parfois en pleurant, et recherchent le contact avec la mère.

Ce phénomène est appelé angoisse du 8ème mois (deuxième organisateur selon Spitz) ou stade du miroir par J. Lacan (quand l'enfant jubile à la reconnaissance de son image, et de celle de ses proches, dans le miroir).

Une trop grande nouveauté entre le visage perçu et les traces mnésiques du visage connu déclenche l'angoisse.

La perception de l'étranger est donc pour l'enfant la démonstration de l'absence de la mère ou de sa possible absence.

Cette aversion première est évidemment réversible dans la mesure où "l'étranger" effectue les approches nécessaires.

 

- Le père (ou tout autre personne prenant également soin de l'enfant), "étranger privilégié", peut jouer alors un rôle important.

La présence du père aux côtés de l'enfant permet à celui-ci de projeter alternativement ses sentiments hostiles sur l'un et l'autre des parents, ce qui lui permet d'intégrer plus facilement ses sentiments de haine.

Des réactions hostiles ou d'indifférence sont alors possibles lors des retrouvailles.

Il faut bien sûr que les deux parents puissent supporter les réactions hostiles de leur enfant sans rupture dans la continuité de l'investissement positif de celui-ci.

Ils doivent également donner la possibilité à leur enfant de se réconcilier avec eux en acceptant

les "cadeaux", les marques de tendresse de l'enfant, le respect des interdits, ses manifestations de réparation. Alors l'enfant pourra acquérir progressivement la confiance en ses possibilités réparatrices et accéder à la sollicitude.

 

- La continuité d'existence et d'amour des objets d'attachement de l'enfant, malgré ses pulsions agressives, fonde la confiance en ses parents et en lui-même, confiance indispensable à l'ouverture au monde extérieur, à l'autonomisation, à la créativité.

 

Winnicott disait à ce sujet que :

"Pour être seul, supporter l'absence de l'objet d'amour sans craindre de le perdre ou de l'avoir détruit, il faut percevoir la présence de l'existence ininterrompue de la mère à laquelle on peut se fier, et qui autorise sa mise entre parenthèses pour jouir de sa solitude".

 

 

 

 

 

Nous allons voir maintenant comment peut-on gérer au mieux la séparation (et les retrouvailles) lorsque l'enfant a entre 6 et 18 mois, sachant que cette période est la moins favorable et la plus délicate.

 

Si l'angoisse de séparation est aussi forte à cet âge, c'est que l'enfant, s'il reconnaît sa mère entière et distincte de lui, et lui-même dépendant de ses soins, demeure dans l'incapacité de concevoir le futur, donc le retour de son parent.

Il ne peut comprendre que les parents vont revenir. Tout ce qu'il sait, c'est qu'ils ne sont plus là, ce qui entraîne une impression de manque et une sensation confuse de perdre sa propre identité.

 

Imaginez-vous "parachuté(e)" du jour au lendemain dans un pays étranger au climat différent du votre, dont vous ne connaissez pas la langue, les us et coutumes, vous ne possédez ni carte, ni bagages, ni téléphone … Vous avez un mal fou à vous faire comprendre et vous vous sentez perdu … Qui viendra vous chercher ? qui va se charger de vous ? à qui vous adresser ?

Voici une illustration de ce que peut ressentir un jeune enfant entrant en collectivité s'il n'a pas été suffisamment acclimaté et accompagné…

Combien de temps, combien de jours, d'heures (? …) croyez-vous qu'il vous faudra pour vous sentir à l'aise dans ce nouveau pays, pour vous y adapter ? …

 

 

Il est normal que les bébés préfèrent naturellement être en compagnie de personnes qui comprennent leurs signaux, décodent leurs besoins puisqu'ils sont dans l'incapacité de les communiquer clairement. Il faut respecter ce besoin légitime d'un lien d'attachement.

Cette dépendance diminue dès que débute l'acquisition du langage.

Vers 18 mois, l'angoisse de séparation et la peur des étrangers commencent à s'atténuer.

L'enfant commence à acquérir l'aptitude à se représenter le retour des parents, surtout à partir de 2 ans.

Mais il est normal qu'elle reste forte chez de nombreux enfants jusqu'à 3 ans.

Même plus tard, certains enfants ont besoin de temps pour se sentir à l'aise avec de nouvelles personnes.

 

 

Assurer une continuité au niveau de l'assistante maternelle et de l'environnement dans la prise en charge de l'enfant est un besoin fondamental.

L'instabilité de la prise en charge de l'enfant engendre logiquement des troubles du comportements que l'on qualifie d'instable.

Accepteriez-vous de changer fréquemment de lieu de travail, d'horaires, de patron, de collègues, de règlement…?

Il faut prendre le temps nécessaire pour que l'enfant se familiarise et se sente à l'aise avec une assistante maternelle.

On peut faire confiance à l'enfant pour savoir quelle personne lui convient le mieux.

Il est important de laisser l'enfant prendre les initiatives et procéder à son propre rythme.

Quand on laisse les enfants se charger eux-mêmes de faire connaissance, cela ira plus vite.

Si l'assistante maternelle essaie de s'imposer, l'enfant risque d'être effrayé et tout sera à recommencer.

La communication, l'échange autour de l'enfant (ses habitudes, l'éducation …) entre les parents et l'assistante maternelle est aussi un facteur de réassurance pour l'enfant et garantit un minimum de continuité dans son rythme de vie.

 

Cela peut nécessiter plusieurs visites hebdomadaires réparties sur plusieurs semaines et à différents moments (repas, sieste …) avec un allongement progressif des absences.

 

Il est aussi important d'expliquer à l'enfant, si jeune soit-il, comment va s'organiser la journée en utilisant non pas des unités de temps mais des moments de la journée (déjeuner, sieste …).

 

Je le répète, mais le temps consacré à la séparation ne doit pas être "bâclé", pas plus que celui consacré aux retrouvailles. C'est un temps nécessaire, "transitionnel", dont nous-mêmes ressentons le besoin en début ou fin de journée, avant d'aller au travail ou avant de rentrer chez soi.

Le(s) parent(s) s'attacheront donc à consacrer du temps à ces moments et à assurer une transition rassurante pour l'enfant.

Il faut aussi savoir que du fait de la prédominance des sentiments d'ambivalence et de culpabilité à cette période, l'enfant peut ne pas forcément accueillir chaleureusement son parent qui l'a laissé. Il est alors important que celui-ci (ou l'assistante maternelle qui sait comment s'est déroulée la journée) assure une écoute empathique des mouvements émotionnels de son enfant, assure une continuité d'amour et une stabilité émotionnelle pendant le laps de temps dont l'enfant aura besoin pour revenir à des manifestations de tendresse (exemple : "je vois bien que tu es en colère, que tu n'as pas envie de revenir, tu veux me faire la même chose que ce matin quand je t'ai laissé, je comprends que ce n'est pas facile pour toi, mais tu peux mieux t'amuser ici qu'en restant avec moi au travail. Je t'aime, j'ai pensé à toi, et c'est pour cela que j'ai envie de te revoir très vite pour qu'on fasse pleins de choses ensemble …")

 

 

Lors d'une séparation difficile, les parents devront toujours éviter de "filer à l'anglaise" car c'est une méthode qui engendre un manque de confiance, une insécurité qui risquent de donner à l'enfant le besoin de se cramponner encore davantage.

Mieux vaut que l'enfant voit ses parents partir et qu'il fasse face à la séparation. Mieux vaut que les parents fassent face aux pleurs de l'enfant et que l'assistante maternelle prenne alors le temps d'être à l'écoute de l'expression émotionnelle de l'enfant (attitude d'empathie dont on a parlé précédemment).

 

 

Même s'il connaît son assistante maternelle, l'enfant peut continuer à pleurer souvent lors des séparations (et/ou lors des retrouvailles), ceci pour diverses raisons :

. manque d'attention de la part de la "nounou" moins sensible que les parents à ses besoins émotionnels,

. besoin d'évacuer une accumulation de stress sans lien direct avec la séparation et que l'enfant n'arrive pas à évacuer seul avec ses parents,

. évocation d'une séparation antérieure traumatisante n'ayant pas cicatrisée.

 

 

Comme je l'ai déjà dit, n'empêchez pas, n'interdisez pas aux enfants d'extérioriser franchement leur chagrin, leur colère ou leur angoisse.

Ils ont besoin d'un soutien affectif chaleureux, d'une écoute attentive et de l'acceptation de leur besoin de pleurer.

 

Même s'il est pénible de voir un enfant pleurer, cela est davantage souhaitable pour lui que de voir ses sentiments contestés ("mais non ce n'est rien"), dévalorisés ("il n y a pas de quoi être en colère" ou encore "un grand garçon comme toi ne pleure pas comme ça"), ignorés (mise à l'écart) ou détournés ("arrêtes de pleurer et je vais t'acheter une glace").

 

 

La séparation entraîne normalement dans cet ordre : protestation, colère, tristesse.

Si ces émotions sont écoutées l'enfant se sentira rassuré et la séparation se passera bien,

dans le cas contraire il peut en définitive soit accepter la séparation "contraint et forcé" dans une attitude de résignation donnant lieu à de grandes souffrances "silencieuses", soit se murer dans un esprit de révolte permanent.

Ce sont ces deux écueils qu'il conviendra d'éviter : la résignation et la révolte.

 

 

Certains enfants opposent une résistance considérable à la séparation, même lorsqu'ils sont confiés à des personnes familières, parce qu'ils ressentent l'anxiété de leurs parents.

En dehors de tout danger physique ou moral à confier l'enfant, il convient alors d'explorer avec un professionnel ses propres sentiments liés aux situations de séparation vécues dans l'enfance ou aux deuils traversés qui n'auraient pas été résolus.

 

 

Mais on voit à l'opposé certains adultes assez mal à l'aise devant le fort sentiment d'attachement de l'enfant et pensent qu'il faut le pousser, alors qu'il n'est pas réellement prêt.

Il est important pour ces parents de rechercher les motivations profondes qui guident ce comportement nuisible au développement de leur enfant, en explorant là aussi, avec l'aide d'un professionnel si besoin est, leurs ressentis face aux expériences infantiles de séparations subies.

 

Il arrive aussi que l'enfant refuse soudainement la compagnie de son assistante maternelle habituelle, que la séparation redevienne impossible … il est important d'en rechercher la cause de part et d'autre :

. nouvelle naissance dans la famille ou nouveau venu auprès de l'assistante maternelle;

. modification de l'environnement ou expérience douloureuse ayant entraîné peur ou inquiétude;

. sentiment de ne pas recevoir suffisamment d'attention, d'être laissé "de côté";

. sentiment d'avoir été injustement puni;

. expériences d'agressions.

 

 

Au bout du compte, ne demandez pas à un enfant d'assumer plus que vous ne pourriez vous-même assumer comme changements dans votre cadre de vie habituel.

Si les parents sont eux-mêmes en situation d'incertitude et d'insécurité, l'enfant ne peut sereinement accepter une séparation (qu'elle soit habituelle ou nouvelle).

 

Cependant, confronté à un environnement incertain, inquiétant, chaotique, l'enfant peut trouver dans son lieu d'accueil une stabilité, une cohérence, une continuité qui peut le rassurer, voire le restructurer en lui offrant un étayage sécurisant.

 

Cela est aussi valable pour les enfants qui n'ont jamais pu développé d'attachement sécurisant avec leur parents, le lieu d'accueil peut être pour eux un échappatoire (bien que transitoire) à leurs inquiétudes, peut être même un lieu d'écoute qui peut les soulager transitoirement de leurs angoisses.

 

 

 

 

 

 

 

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Je voudrais dire juste un mot sur l'objet transitionnel (tel que le décrivait Winnicott) ou "doudou".

 

L'objet transitionnel est la première manifestation de l'enfant à "créer un objet", c'est-à-dire un début de symbolisation qui va permettre à celui-ci d'élaborer la séparation d'avec sa mère, en la représentant, ce qui suppose une image maternelle bonne, sécurisante et réconfortante.

 

La présence du doudou se révèle indispensable et utile à certains moments comme l'endormissement ou … la séparation à condition qu'il ne se substitue pas à l'accompagnement humain dont l'enfant a besoin.

 

 

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A partir de 18 mois, l'accès au langage engage le processus de symbolisation, l'activité symbolique impliquant la possibilité de se représenter un objet absent.

L'enfant acquiert une représentation claire de lui-même et de ses parents comme différents, séparés de lui, donc existant même lorsqu'ils ne sont pas perçus de l'enfant.

L'absence des parents est alors mieux supportée.

La continuité identitaire de l'enfant risque moins d'être remise en cause.

 

Le jeu est bon indicateur de l'autonomie de l'enfant.

Pouvoir "jouer seul" (c'est-à-dire en prendre l'initiative) suppose que l'enfant se sente suffisamment sécurisé.

Le jeu est une activité équivalente à l'activité intellectuelle adulte.

Le jeu est une activité de maîtrise par rapport à l'environnement.

Il met en scène de manière plus ou moins déformée les conflits inconscients de l'enfant.

Ses expériences frustrantes se retrouvent dans le jeu de manière répétitive sous la forme d'identification à l'agresseur afin de permettre une certaine maîtrise de l'agresseur et de l'agression elle-même. Ce mécanisme contribue à la formation de la conscience morale, du Surmoi, car l'enfant s'identifie ainsi aux menaces des adultes et intériorise leurs critiques.

 

 

La séparation après 18 mois redevient plus facile en même temps que les retrouvailles peuvent être davantage "orageuses".

En effet, l'enfant entre dans la période classique d'opposition (c'est vers 15 mois qu'apparaît le "non", ce refus étant le troisième organisateur décrit par Spitz) où prime le désir d'exercer son pouvoir, ceci d'autant plus que l'enfant a fait l'expérience d'une éducation trop autoritaire ou trop rigide.

Le "non" est l'expression du sentiment de soi, d'exister "indépendamment" des désirs d'autrui.

Pour contrebalancer son sentiment d'infériorité, le petit enfant va mettre à l'épreuve l'attachement de ses parents, dire non à tout bout de champ, fuir le contact, revendiquer …

Il est à noter cependant que plus l'enfant est opposant et peu coopératif, plus son type d'attachement est insécurisant.

Plus l'enfant se sent menacé dans son intégrité, moins il se sent écouté, plus le "non" sera fréquent et massif.

 

 

 

Pour finir, je vais aborder maintenant la question de la socialisation.

 

La troisième année de la vie est notamment caractérisée notamment par l'expérience de la socialisation.

Un des principes qui fonde la socialisation est la perception d'une double différence : la différence des générations et la différence des sexes.

 

L'adaptation à l'école maternelle suppose que l'enfant soit capable :

 

- d'être longtemps séparé physiquement de ses parents;

- d'investir d'autres personnes (maîtresse, camarades) sans ressentir de sentiment de perte ou de trahison,

- de se plier à une certaine discipline,

- de prendre du plaisir aux activités partagées avec les autres (capacité à être séparé psychiquement de ses parents).

 

 

 

La véritable socialisation, celle qui apporte un enrichissement personnel, est l'aboutissement d'un long processus de séparation-individuation, processus aussi long qu'est l'apprentissage de la locomotion de type adulte (pas avant 7 ans).

Croire qu'un enfant rentré tôt en collectivité va plus vite se socialiser est, de mon point de vue, une absurdité si on ne tient pas compte du "bagage familial" de cet enfant.

C'est comme croire qu'on peut inciter un enfant à marcher plus vite en lui lâchant les mains alors qu'il n'a pas encore tout à fait trouvé son équilibre.

Si avantage il y a à avoir fréquenté la crèche avant l'entrée en maternelle, cet avantage s'estompe au bout d'un an (c'est ce qu'une étude a démontré).

 

L'enfant peut faire avec les autres sans forcément développer de véritables échanges.

Trop de stimuli "sociaux" peuvent aussi ralentir la construction du Moi, la capacité à faire l'expérience de la solitude et de soi (à "jouer seul" pour Winnicott), le développement psychique et intellectuel autonome.

L'enfant ne peut réellement entrer en contact avec les autres si son processus d'individuation et de séparation n'est pas achevé.

Il a aussi besoin d'aller à la rencontre de ses pairs à son rythme, sans pour cela se sentir agressé et sans se sentir autorisé à agresser.

Partager ses jeux implique que l'enfant ne se soit pas lui-même senti privé de quelque chose.

 

Le sentiment d'avoir manqué de quelque chose (d'un attachement sécurisant notamment, d'affection, d'amour inconditionnel …) engendre envie et agressivité.

 

La peur de l'autre par défaut de construction du Soi entraîne des attitudes d'excessives soumission.

 

 

Quand on "pousse" un enfant, il risque de trébucher, mais si on l'accompagne, le rassure, l'encourage, l'écoute, au moment opportun alors il peut franchir bien des épreuves et en ressortir grandit.

 

 

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