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Littérature Personnelle
L'homme égal
2
< Ko, J', Jade >
Je viens
du Comporteur, ou du Comportementeur - je ne sais plus comment on
l'appelle, il change même le nom des gens. Avec cette épreuve de perreper..
qui porte si bien son nom, on perd les repères qu'on arrive à
pérepersonnaliser - le Comporteur et le Ko emploient la même méthode. Les
noms sont déplacés sur les images... sur les images ou
sur les corps. C'est sur cette alternative que tout se joue.
Le Ko était intervenu, ou bien c'était ma propre pensée
qui avait précisé l'alternative jouée entre images et corps. En vue
de le savoir, je l'interpelle : Sur les images ou sur les
corps.. parce qu'il n'y a pas d'énergie dans le monde virtuel du Ko !
Je ne reçu pas de réponse. Il était fréquent que le Ko ne
réponde pas, mais statistiquement, en cas de silence, on est en droit de penser
qu'on est seul.
En décidant que je suis livré à moi-même, je peux me
consacrer à ma question. Comment entrer vivant dans le MatrICs ?
J'ai décidé d'en parler à une femme ; c'était Lydia qui avait
corrigé l'orthographe du trop commun nom Matrix. Avant le film grand public qui
avait annoncé la Grande Fin, elle avait déjà écrit Matrix. Sans doute en pressentant
l'usage qu'on en ferait, elle avait souhaité l'écrire après Freud : MatrICs.
C'est avec les traducteurs de Freud qu'on avait employé " ICs
" comme abrégé pour ' Inconscient '. Sous les titres de Matrix puis MatrICs
Lydia avait posé les premières formules - des
formules ovales, comme celles de Lacan. Par la suite le texte de Lydia avait
été infesté de virus, il ne restait que la trace papier difficile à trouver.
J'avais perdu de vue Lydia également ; je tapais sur le chercheur.
Une femme s'est présentée. J'ai vérifié son ombre ; elle
semble avoir de l'énergie, tout est ok. Vous savez
qu'aucune entité virtuelle n'aura la clé du passage, nous devons trouver l'intégration
de notre vivant. La clé c'est l'ucmpp,
répond-elle. C'est trop simple ! Vous l'avez fait ?
Non. Vous voyez !
Pourtant je suis convaincu de la même chose : l'UCMPP est à elle seule nécessaire et
suffisante pour autoriser et renseigner entièrement notre
établissement dans le MatrICs. Il n'y a que le risque qu'il soit détruit, mais
c'est un aléas universel. Tant qu'il est constitué, la personne survit.
En intervenant sur l'industrie du kotrope,
on peut très bien causer le désinvestissement de toute réalisation
d'immortalité.
Est-ce pour cette raison que vous
ne faites pas d'ucmpp ?
Je ne sais pas.
Pourtant vous savez qu'une
intervention idéologique vous influence, mais vous ne la contrariez pas.
La femme demeurait silencieuse. Un ucmpp est une Unité de
Mémoire, une unité Cybernétique de mémoire.. pour tout dire, qu'une
Personne Physique peut aisément confectionner. Elle répond à la définition
de la vie la plus courante
. Il correspond aussi au désir le plus commun d'une
personne, en donnant à sa fonction narcissique une dimension temporelle
salubre. Elle permet d'entrer dans le MatrICS en fournissant à la fois la clef
et le support de la subsistance. On l'appelle d'ailleurs " sursistence
" .
Cette question intéressera le Comporteur mais je décide de la régler sur
Ko car le désintérêt de cette femme pour son sursis s'étendait jusqu'à ma
propre existence.
Est-ce que vous estimez que
vous êtes abusivement privée de kotrope ?
Elle répondit sur un ton
pathétique :
La privation de drogue qui m'est imposée
mutile jusqu'à mon instant présent, je veux dire ma présence à l'instant.
Elle entraîne un dégoût de moi-même que je sens incapable de perpétuer.
C'est pourquoi je ne cherche aucun avenir. Ce n'est pas la drogue qui entraîne
ce dégoût - ainsi que mes tortionnaires veulent me le faire croire - je le
sais bien, c'est sa privation. Cette lamentation rappelait trop le
discours de l'esclave qualifié d'être humain par Socrate. Était-il possible que notre
civilisation se soit inhibée à ce point.. au point de remettre en scène
l'esclavagisme antique et l'esclave maintenu inconscient d'être esclave ?
Est-il possible que cette femme le sache sans pouvoir imaginer - et sans pouvoir
donc réagir.
Je cherchais à savoir jusqu'où nous pourrions nous entendre ; admettons
que l'Inquisition n'ait pas cessé et que votre imagination soit obscurcie par sa
violence inimaginable.. pourtant vous le savez et vous savez que ce dont
elle vous prive peut être remplacé par un effet placebo. Pourquoi est-ce que
cet effet n'a pas lieu dans votre cas ?
La femme s'était penchée par la fenêtre, je la voyais écrire
sur le sable, tracer la lettre J, suivie de la lettre A puis elle s'arrêtait.
Elle regardait la mer. Le comporteur avait cessé de fonctionner ou le chercheur
était informé par le Ko. Cet étrange déplacement dans l'espace des
perspective était distrayant. Mais la provocation de cette lettre ne pouvait être vaine? Je le saurai coûte que coûte.
J'ignore la femme. S'il est possible de savoir sans imaginer, s'il
peut exister un savoir sans imagination, en réduisant l'image à une image il
devait être possible de savoir ; c'est même forcé.
On peut estimer que les vraies religions sont seulement accessibles
par l'effet placebo. Mais les
sacrements psychoactifs empêchent aussi bien qu'ils induisent la religiosité.
C'est comme se couper l'herbe sous le pied ; les drogues sacrées se bornent
d'elle-même au shamanisme, à la magie ou aux sectes, elles bêtifient ce
qu'elle béatifient dans le sens qu'elle révèlent que les religions sont
bêtes sans dire que c'est leur manière de nous montrer qu'on est bêtes.
Cependant l'absence est autre
chose que la privation. Dans le cas de la religion, les sacrements édulcorés
et les initiations symboliques ont fait place à des idées d'immortalité
imaginaires.
La vie éternelle des monothéisme est un
placebo à l'instar des rites sans kotrope. A l'inverse, l'ucmpp est une
modalité concrète d'éternité.
Mais il ne prolonge pas la vie.. il est une
vie, une fausse vie si on peut dire, éternelle.
Ca ne pouvait être Ko qui casse l'UCMPP comme ça. Je me persuadais que c'était elle. J'avais tenté de l'ignorer mais elle s'en était renforcée de plus belle. Je ne voyait plus une image quand elle apparut à deux doigts de mon nez.
Tu crois que c'est ça ' Voir ' ! Elle riait. Pour le coup le Ko t'a bien eu, il t'a fait s'avoir !! Tu n'entends pas ce qu'il te dit ? sa voix ! tu n'entends pas sa voix ?! Si tu t'y entendais ça ferait de l'écho.
Je l'avais sans doute ulcérée en mettant en doute l'écrit qu'elle me livrait au risque de se noyer. Les expéditions psychique à la frange des océans ne sont pas sans danger. Mais est-ce que vraiment je peux croire une femme qui passe par la fenêtre ? Peut-être m'a-t-elle hypnotisé. Je cherche le bouton du Ko, la poignée du Comporteur. Peut-être se sert-elle de mon imagination ; elle doit se nourrir de mon imaginaire qui n'existe pas et, comme les gens deviennent toxico quand on leur interdit les drogues, je me mets à manquer de ce que je n'avais pas. Bien que JA semble vivante, elle paraît attachée à la vie sans avenir et contradictoire. Je revois ma figure, quand le Comporteur était le Ko. Je me revois déçu comme une image qui meurt.
L'éther n'est la vie. La vie hélas
râle. Ta nana n'a nana et tu crois qu'elle t'aime ; elle le croit aussi mais
elle ne sait pas que ce n'est pas toi.
Cette fois-ci c'est le Ko qui parle, j'en suis persuadé parce
qu'un renversement vient de se faire. Il y a dans la vitre un éclat de lumière
capturé. Ces phénomènes d'optique ne trompent pas. Aucune idée ne peut être
concentrée sans bortex et je suis encore trop jeune. A moins qu'eux..