Une lecture par William Théaux

PSYCHANALYSE ET POST-MODERNISME
    peut-on et doit-on changer le monde    
Vaste question
dont on montre ici le débat, retranscrit d'un colloque ;
s'y voit l'ordre de l'indécidabilité (à gauche) - dont on farcit colloques et salons - et dont la farce ne se dénouera
qu'à l'aide d'une prothèse : la machine cybernétique plus après dite LAPAREIL.
Dans ce courant, d'air de paradoxe - puisqu'à gauche on estime que cette solution est un échec,
on ne peut qu'apposer un commentaire, dans la marge (à droite) .

 

PRÉSENTATION

   Il s'agit d'un texte retranscrit (d'une émission radiophonique) à gauche - et commenté (à droite). Mon but était de situer ce que je comprends de la Cybernétique vis à vis de ce que je ne connaissais pas en matière de ce que signifie le terme post-modernisme pas plus que modernisme d'ailleurs. La conférence de Céline LAFONTAINE me l'a appris. J'ai reconnu une espèce d'éventail qu'on sort par grand vent afin de prouver qu'un éventail fait du vent. Comme si on voulait cacher quelque chose.

 



Norbert Wiener, fondateur de la Cybernétique,
une science de l'information que l'administration américaine envisagea de classer secret militaire.
Cette ambition n'a pas été vaine et actuellement, avec l'intelligence artificielle, la cybernétique est du domaine des armées.

Au fil de mes travaux, je montre que c'est en manquant de la psychanalyse que cette erreur politique peut avoir cours.
Ci-dessous j'appose un commentaire à un discours universitaire encore pétri de passion, reflet de cette même erreur.
 

 

 

 

 SUR BLEU LES MODÉRATION/INTERVENTIONS 
Le texte est retranscrit d'une bande audio ; les mots inaudibles sont  signalés " ~~ "
et les auteurs mentionnés généralement non identifiables sont nommés X

 SUR VERT MON COMMENTAIRE 

 
L'éloge du savoir
   (diffusion France Culture)

   P E U T - O N ,   D O I T - O N   C H A N G E R   L E   M O N D E ? 

Avec aujourd'hui Céline LAFONTAINE

   L'intervention de Céline LAFONTAINE que nous entendrons ce matin se situe en droite ligne de ses précédents travaux sur la cybernétique. Professeur de sociologie à l'Université de Montréal, Céline LAFONTAINE est une adepte des théories de Norbert Wiener qui a introduit la cybernétique après la deuxième guerre mondiale.

   Rappelons que la cybernétique est née du désir des militaires d'optimiser les interactions entre l'homme et la machine et se décrit comme la science du contrôle et de la communication - deux termes qui posent problème à bien des philosophes qui tiennent, eux, la communication pour une forme de contrôle des groupes et des individus. Un certain nombre de sociologues parmi lesquels Céline LAFONTAINE se situe, tentent de transformer ce dispositif en une vision du monde.

   Je rappelle que c'est Michel C qui a produit cette série d'émission à partir d'un colloque qui réunissait des scientifiques, des philosophes, des journalistes, des économistes, des juristes et bien entendu des sociologues. Ce colloque a été enregistré à Bruxelles en Septembre dernier.
 

 
   La conférence ici réfléchie procède à l'identification d'une rupture (sociologie) - ce que la psychanalyse comprend en bord ; se permettant ainsi d'estimer un possible progrès (associant Cybernétique & Psychanalyse) au lieu d'un constat d'impasse ou impossible (témoin l'Universitarisme ci-contre).


Céline  L A F O N T A I N E

    Mon intervention ce matin s'éloigne un peu des questions qui ont été abordées jusqu'à maintenant dans ce colloque. Elle se situent dans ce que j'appelle l'extrême contemporain dans la mesure où elles portent sur les enjeux liés à la transformation du monde par les techno-sciences - les transformation en cours.
   La réflexion que je vais apporter ici ce matin se situe dans le prolongement de mon travail sur la cybernétique et sur son influence sur la pensée contemporaine.

   Le ~thème~ de mon intervention MONDE CONSTRUIT OU MONDE SUBI ? QUEL MONDE POUR LE POST-HUMAIN? suppose ~l'identification d'~ une rupture dans la représentation du monde que je vais tenter ici de cerner de manière impressionniste.

   Peut-on, doit-on changer le monde? aussi simple qu'elle puisse paraître, cette question évoque, par le flou de sa formulation, toute la polysémie du vocable monde : monde cosmique, monde physique, monde vivant, monde technique, monde symbolique, monde imaginaire.. Mais de quel monde est-il question?
   Le monde des techno-sciences avec ses promesses de contrôle, de puissance, et d'immortalité n'est certainement pas le même monde que celui de l'action politique, de la subjectivité et de l'historicité - tout comme le monde de Darwin n'est pas le même que celui de Rousseau.

   La double question 'peut-on, et doit-on changer le monde' appelle donc des réponses complètement différentes selon la vision du monde de celui qui tente de répondre. Là se situe à mon sens l'un des enjeux majeurs de notre temps dans la mesure où l'idée même d'un monde commun est loin de faire l'unanimité.

A la recherche du sens des temps présents

Puisqu'un signifiant ne l'est que pour un autre (signifiant)

 

   En quête du signifiant moderne à l'appui de celui qui le suit et dénommé "post-moderne" - j'ai procédé à la lecture de la retranscription (ci-contre) en faisant ressortir les termes de " rupture" et de " ligne de partage" que l'auteur, CL, présente comme l'axe de son analyse.

   De part et d'autre de cette ligne entre moderne et post-moderne, deux mondes selon CL. Mais de manière "impressionniste" ou "sans clairement trancher" - selon ses termes - cette rupture ou cette ligne, tracée par CL s'offre comme un fantasme selon qu'elle se distingue d'une idéologie.


   Avant qu'on ne l'appelle bord - cette coupure, barrière, ou rupture était en psychanalyse nommée censure (elle visait d'ailleurs à ce qu'on appelle synapse en biologie - voir Freud/Esquisse).


   Prêtant naturellement à confusion - résistance - cette zone critique est à détailler par réflexion et point par point comme suit :

 
   Malgré la multitude éclatée des visions du monde qui se rencontrent dans notre société, il me semble néanmoins possible de traiter une ligne de partage en deux façon prédominantes de concevoir le monde et d'y agir.

   La première que l'on peut rattacher à l'héritage de la modernité politique conçoit le monde comme le fruit d'une contingence historique façonné en grande partie par l'action des hommes et des femmes qui le constituent.
   Pour les modernes non seulement le monde peut et doit être changé ; mais il est pour l'essentiel le fruit de leur propre volonté. Inutile de refaire ici tout le parcours historique de la modernité pour comprendre que son projet politique peut se résumer à une lutte incessante en vue de transformer, changer, révolutionner le monde. Qu'il s'agisse de maîtriser la nature ou d'édifier une société plus juste, la modernité se caractérise précisément par l'affirmation d'une capacité d'action directe et autonome sur le monde. A la fois moteur et enjeu de l'histoire, le sujet moderne se perçoit lui-même comme un être perfectible tout entier tendu vers l'avenir de la science et l'accomplissement de sa conscience d'être libre, rationnel et autonome. On ne peut toutefois pas oublier qu'en affirmant que le monde n'est pas donné mais construit -- les modernes ont aussi ouvert la voie aux plus funestes projets politiques -- Si on peut  difficilement fermer les yeux sur les horreurs et les crimes commis au nom de la révolution et de l'homme nouveau, face au mouvement de l'histoire, rien n'apparaît comme inéluctable. Aussi fragile et faillible qu'il puisse être, le sujet moderne peut toujours fonder l'espoir de changer le monde malgré, mais surtout grâce à l'indétermination absolue de son action politique comme X l'a si bien ~~ dans la condition de l'homme moderne.

   Pour commencer l'approche du premier signifiant - le modernisme - CL le dessine dans un statut paradoxal - paradoxe masqué derrière un monde construit par la volonté du sujet cartésien (au lieu d'un monde donné, construit par la volonté d'un dieu créateur).

   Évidemment la cybernétique aura donné par la science l'outil sensible qui impose à ce sujet de reconnaître qu'il n'est pas autonome, et que par conséquent sa volonté - cas de le dire - laisse à.. désirer ; c'est à dire parait sujette déjà à une ligne de partage entre son monde et lui, sinon ce qu'il imagine de lui.
   Cette première ligne - nommée fente en psychanalyse, assujetti ladite volonté de l'ego à une part inconsciente de désir par où le monde peut lui contester tout pouvoir.

   Loin de s'opposer à cette équivoque acquise, le signifiant "post-modernisme" la seconde en n'affirmant pas une reprise du pouvoir du monde, mais en redoublant la contestation de tout pouvoir. C'est à dire que ni le sujet ni le monde, ni l'ego ni le Dieu, ne pourront rien - l'un et l'autre supplantés par une complexité qui les dépasse.
   On appellera refente cette ligne de partage semblant cette fois-ci diviser deux conceptions du monde, brisant à la fois l'autonomie imaginaire du sujet et la possibilité d'une alternative aux choses (autre chose imaginaire).

 
   ~~ orienté pour une bonne part la constitution des gouvernements nationaux et des instances internationales, la vision du monde issue de modernité politique s'efface progressivement au profit d'une représentation marquée du sceau de la complexité et de l'inéluctabilité. De la proclamation de la fin de l'histoire à la gestion planétarisée de l'économie libérale ~~ aux prouesses du génie génétique de la déconstruction du sujet à l'hybridité du cyborg, la conception post-moderne s'accompagne d'une perte de foi dans le pouvoir politique du sujet.

   L'idéal moderne de progrès fait place à un évolutionnisme techno-scientifique ou le destin e l'humanité semble se confondre avec une logique de développement dictée par on ne sait quelle nécessité. C'est précisément cette seconde vision du monde issue de la science moderne qu'X dénonçait en 1963 en posant la question - la conquête de l'espace par l'homme a-t-elle augmenté ou diminué sa dimension? elle présageait déjà dans sa réponse le potentiel d'aliénation politique d'une vision du monde dont le point d'appui ne serait plus essentiellement une condition essentiellement terrestre mortelle et politique de toute vie humaine mais plutôt l'espace infini du cosmos.
   Autrement dit : de l'idée d'un monde construit on passerait à un monde subi, régit par les lois universelles de l'évolution auxquelles on serait soumis de s'adapter.

   Peut-on imaginer pire aliénation que celle de confondre nos dispositifs techniques avec l'ordre cosmique? pourtant le maître mot de la planétarisation de l'Internet et de l'économie de marché n'est-il pas de s'adapter?

   L'absolue négation qui annoncerait le post-modernisme serait la solution finale sans fin, une fin du monde perpétuelle, constituant sa certitude seule, et son inanité, dite du Surmoi. Il s'agit d'une perte de tout espace d'action - que CL dénonce - derrière un masque ironique, et sinistre, appelée conquête de l'espace.

   Contre CL : comme la fente ouvre à l'utopie, la refente ouvre au réel. Le Réel, en psychanalyse, est le lieu où le sujet s'identifie à son corps. Je ne saurais redire comment cette conquête offre encore à la résistance ses victoires, ainsi comment la pfffkanalyse Lien par eBOOK Lien par WEB-on-line le qualifie d'impossible (Lacan) ; mais montrer en l'exemple de la réflexion sociologique, la performance logique que réclame cette identification :
   Le sujet que le sociologue veut historique est celui qui en biologie émerge de la constante mise à jour des lois de l'évolution (selon sa morphogenèse au point actualisé de sa scène primitive - qu'on appelle païdomorphose).

   Ceci relève CL de son faux pas, simplement de remettre en parallèle les deux avancées qu'elle croise : l'adaptation est une chose que l'on peut résumer à la soumission, sauf lorsqu'il s'agit d'adaptation aux lois de l'évolution, précisément, auquel cas la redondance devient métaphore - c'est à dire ce qu'encore la psychanalyse enseigne, signification par le sujet du corps ("identification en corps" ; identification du Code).

 

MONDE CONSTRUIT ou MONDE SUBI?

 

   La ligne de partage entre ces deux façons de concevoir le monde est loin d'être fermement tranchée - elle recoupe en un sens le fameux débat entre moderne et post-moderne qui colore le paysage intellectuel depuis près de 30ans. Contre le volontarisme triomphant de l'utopie moderne, les tenants d'une vision post-moderne défendent depuis la fin des 70 un radicalisme philosophique qui fait voler en éclat l'idée d'un monde humain unifié.
   Pour eux, il n'existe pas UN monde, une réalité, mais une multitude infinie de points de vue à travers lesquels les individus évoluent au grès ~~ des jeux de langage qui ~~ atteindre le fond du théâtre monde
   Poussé à son excès le constructivisme post-moderne conduit à la déconstruction théorique du pouvoir politique du sujet acquis au cours de la modernité au profit de adaptabilité ~~. En niant toute objectivité au monde social, la pensée post-moderne plonge en fait les individu au cœur d'une complexité dont ils ne sont ni maîtres ni ouvriers

 
   La première impression que nous laisse CL qui compare le monde construit du volontarisme cartésien utopique et l'adaptabilité abandonique du complexe post-moderne, rappelle l'épisode que G.Bruno a légué à l'histoire. A son époque le monocentrisme d'une Église toute puissante résistait à la découverte du cosmos par une astronomie qui relativisait l'humanité dans une infinité de mondes.

   Tel un Socrate en son temps, Bruno fut un dernier héraut de l'Hermétisme - reprenant vie à présent, comme un Phénix sous la forme de la Psychanalyse.
   Avant que celle-ci soit reconnue pour la science de la subjectivité, elle piétine dans un centrisme social, avec pour seul fanal l'idée qu'un Complexe ouvre la voie essentielle à un monde qui ne soit fait ni de maîtres, ni d'ouvriers.
   Mais si CL déclare le déclin du modernisme au titre d'une adaptabilité qui dégrade le pouvoir - cette adaptabilité fait aussi l'axe des controverses qui agitent les théories de l'évolution. Son pessimisme découvre alors le deuil du faux-pouvoir du modernisme. Sa faillite annonce la délégation de la volonté au réalisme d'une gouverne consciente de l'Évolution.

   Pour affirmer cela, il fallut montrer que les controverses des théories de l'évolution se résorbent suivant l'hypothèse freudienne de l'existence de traces à la condition d'une industrie. Avec cette perspective que nous soyons alors en passe d'atteindre conscience et volonté, les appréhensions de CL figurent le deuil des constructions résistantes pour fondre dans un monde - moins que "subi" - révélé subitement !



Révélation subite et monde soudain,
à l'assertion du temps logique - et à la surprise de la résistance.

 

   En guise d'exemple ou peut penser au philosophe JFL qui dans un ouvrage L'Inhumain, causerie sur l'atome... en est venu à concevoir l'humanité ni plus ni moins que comme je cite : véhicule transitoire d'un procès improbable de complexification. Au-delà de la vanité théorique et de l'apport philosophique ~~ du modernisme et post-modernisme, ce qu'il faut souligner ici c'est le glissement subtil qui s'opère dans la pensée contemporaine entre la représentation d'un monde construit - c'est à dire un monde modelé par l'action autonome du sujet - vers un monde naturalisé, étranger à toute volonté politique.
   Ainsi dans un monde post-moderne, tout projet politique à porté universaliste est appelé à se dissoudre dans la complexité effective d'une réalité multiple.
   Cette tendance à considérer l'humanité d'un point de vue excentré transparaît socialement dans les débats entourant les question du post-humain - avec un être sous-évolué mutant dans du plus-perfomant grâce aux prouesses du génie génétique, et des techno-sciences, la post-humanité a fait son entrée sur la scène publique européenne à la fin des années 90 ; par le biais d'une polémique déclenchée par le philosophe Allemand X procès improbable de complexification de règles pour le parc humain.
   La seconde impression que laisse CL appuie qu'il s'agit bien du motif de la psychanalyse dont elle manque d'être consciente. Car symptomatiquement elle parle d'un point de vue excentré, tel qu'il en est du sujet freudien par rapport a l'ego cartésien ; mais elle en parle - pour compléter le symptôme - de manière illogique, paradoxale ou contradictoire, attachant la volonté politique à l'idéale autonomie d'un sujet bâtisseur et niant qu'au contraire s'en excentrer soit une condition nécessaire à traiter effectivement de la complexité politique.
  

   On trouvera sur ce point la notion d'excentrisme de l'identification képlérienne dans un essai au sujet d'Akhnaton et de sa royauté.

   Sans revenir trop longuement sur un débat philosophique qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, je tiens néanmoins à souligner que la posture intellectuelle de X se tient précisément sur ligne de partage entre monde construit et monde subi. Partant d'une réflexion sur la culture humaniste comme monde de conditionnement et de domestication de l'humain par l'humain, X développe dans ce texte l'idée d'un dépassement de l'humanisme par les techno-sciences.
   Sans s'arrêter directement à une modification de l'humain par les bio-technologies, X défend néanmoins la nécessité d'édifier un code de conduite face à l'~~ inéluctable - et j'insiste : si la mutation de l'être humain par le biais des bio-technologies, apparaît à X comme inéluctable, c'est parce qu'il postule que la technique est la matrice première de toute culture humaine. Il naturalise le rapport humain/machine au point de concevoir la technique - je cite : comme un utérus externe - au sein duquel évolue l'être humain.
   Alors que le sujet moderne avait pour ambition de construire et de transformer collectivement le monde, le sujet post-moderne se voit contraint de se modifier lui-même pour s'adapter à un monde en constante évolution. Au-delà de la pertinence des question philosophique des question soulevées par X, ce qu'il faut saisir ici, c'est que le contrôle post-humain s'inscrit dans un un large mouvement techno-scientifique mis au cœur du complexe militaro-industriel mis en place durant la seconde guerre mondiale. En effet, bien avant que les philosophe n'en fassent un objet de réflexion, l'idée du post-humain a germé dans la tête de scientifiques et d'ingénieurs pour qui le développement techno-scientifique constituait la seule voie de salut face aux horreur de la guerre et du nazisme.
   Le trouble qu'inspire l'approche de CL s'éclaire lorsqu'elle évoque une domestication de l'humain par l'humain dont l'humanisme se serait fait culture. On sait que cette redondance est au cœur d'un fantasme qui ne se rompt qu'au glas de la paranoïa - qui ne reconnaît pas son illogisme s'il ne bat d'un algorithme dénommé métaphore.

   C'est dans le biais de cette métaphore que le Nom-du-Père égale le jeu du mième (aussi traduit mème, du 'meme' anglais proposé par R.Dawkins avec le succès qu'on sait de la génétique à l'intelligence artificielle). De cela que Freud cherchait encore en terme de traces, se déduit la notion obligée de LAPAREIL. C'est ce que semble avoir évoqué le philosophe cité par CL pour avoir fait mention au prétexte du rapport humain-machine d'un utérus externe.

   Il se pourrait que ce soit de son genre, féminin, que CL ne conçoive que ce soit, à la lettre, la perspective d'utérus artificiels qu'annonce, par un silence absolu ** sur son projet, la bio-technologie des techno-sciences.
   A défaut de l'intégration de la métaphore paternelle, observerions-nous un complexe sexuel se brisant dans l'ambition paranoïaque de construire et transformer le monde sans s'adapter soi-même à son évolution.

**   Je dois indiquer à ce point et à ce jour 20051108 de l'écriture de ce texte que j'élabore très lentement, paragraphe par paragraphe, en parallèle à une lecture de la conférence, que j'ai pris connaissance du terme ectogenèse, qui relativise le silence susdit - qui n'est plus, je le constate, absolu. C'est donc en connaissance relative, de ce qu'on promet déjà d'impossible ou d'interdit, du futur en vue, que je continue d'écrire :

   Ainsi le mathématicien fondateur de la cybernétique Norbert Wiener qui a soutenu pour la première fois en 1954 dans Cybernétique et Société - Human use of human being - la nécessité pour l'espèce humaine de s'adapter au monde qu'elle a elle-même contribué à créer. Je cite Wiener : " nous avons modifié si radicalement notre milieu que nous devons nous modifier nous-même pour vivre à l'échelle de ce nouvel environnement. "

   Le corps humain étant fait de continuités et de ruptures les différentes ~~ du monde oscillant entre monde construit et monde subi se rencontrent à des degrés divers tout au long de la modernité. Ainsi le principe d'adaptation s'enracine dans le libéralisme économique du 19em siècle qui a lui-même influencé le Darwinisme. De même que le désir fusionner l'humain et la machine hante l'imaginaire occidental depuis au moins le 17em siècle
   Par son ampleur, et sa radicalité, la cybernétique atteste néanmoins d'une rupture profonde dans l'histoire occidentale. Répondre à la question peut-on et doit-on changer le monde? suppose qu'on prennent en compte la profondeur et l'étendue de cette rupture.
   Si la cybernétique procède comme je le pense d'une rupture historique, elle en est toutefois davantage le symptôme que la cause. La véritable rupture, c'est celle de la solution finale, celle du nazisme, celle de la guerre, celle de la bombe A, celle d'Hiroshima et de Nagasaki. Que le monde moderne ait pu contenir en son sein la négation des préceptes ayant permis de l'édifier, là se situe le point de rupture dont on est loin d'avoir pris toute la mesure.

   CL présente alors un personnage qui aurait intégré ladite métaphore, c'est à dire la division du sujet dans la cybernétique - il s'agit de N.Wiener père de la cybernétique. Mais c'est d'emblée pour en minimiser la ressource. CL ne pense pas que la cybernétique soit une cause (elle cherchera éventuellement à soigner le symptôme). Mais là où elle désigne la cause, nous trouvons une erreur ! :

   Les études sur l'origine amarnienne du monothéisme, éventuellement en guerre mondiale, laissent supposer que le monde moderne, planétaire et unaire, a contenu en son sein le refoulement de sa scène primitive ; cela est bien suffisant pour expliquer que la solution finale, nazisme et bombe atomique (les USA qui en proclament l'indignation ont lâché deux bombes sur des populations civiles, en créant l'exception qui confirme la règle du refus du crime contre l'humanité, au motif éhonté deuxièmement de la prescription d'une solution finale à la guerre) procède de la répétition - procédé essentiellement différent et nous éloignant donc de la vue d'une 'rupture'.

   Nous revenons donc à l'idée que la cybernétique est bien une cause, en ayant mesuré l'enjeu - soit de dire la cause est à la guerre, soignons le symptôme cybernétique - ou bien la guerre est un symptôme que nous soignerons par la cybernétique.

   Historiquement le projet cybernétique de créer une machine intelligente se situe dans le sillage directe de cette rupture. L'homme moderne s'étant montré capable des pires atrocité, seule la neutralité rationnelle de la machine pouvait, pensaient ses promoteur, permettre de contrer la folie meurtrière des dirigeants politiques. Ainsi, par un curieux retournement de l'histoire, l'effondrement du projet d'émancipation des lumières s'est soldé par l'affirmation de la toute-puissance de la rationalité techno-scientifique. C'est cela-même, comme le rappelle le sociologue HB dans Modernité et holocauste qui a rendu possible la gestion planifiée des camps de la mort.
   Malgré son apparente continuité avec le projet moderne de maîtrise de la nature, la cybernétique procède néanmoins d'une rupture dans la mesure où la raison n'est plus conçue comme unique apanage du sujet mais plutôt comme un processus évolutif au sein duquel la machine est appelée à dépasser en capacité l'être humain.
   Lorsque la figure de sujet libre et autonome de la science moderne s'efface devant une rationalité technique qui le surpasse, on glisse lentement d'un monde construit à un monde subi. Lorsque la machine devient la mesure de l'intelligence, l'ordinateur le modèle du cerveau, on n'est déjà plus dans le monde de la modernité politique. Le monde cybernétique est déjà post-moderne ; on n'a qu'à relire les premières pages de La Condition Post-Moderne pour s'en convaincre. Le monde post-moderne, nous dit Lyotard, est celui des réseaux informatiques, des sciences de la communication, des jeux de langage et du code génétique. La cybernétique annonce la fin de ~~ ; c'est l'idéologie de la fin des idéologies. Son horizon n'est plus celui de l'historicité et de la subjectivité mais vise celui de l'entropie. ~~  absolue de désorganisation et de chaos, l'entropie constitue le point d'appui à partir duquel Norbert Wiener et les premiers cybernéticiens ont pensé le monde. " Nous sommes des naufragés sur une planète vouées à la mort " - telle est l'expression consacrée du père de la Cybernétique qui marque le passage d'un monde construit à un monde subi.
   Si donc le symptôme (de la programmation ou de la lettre, la guerre) a cours de longue date, on ne sera pas étonné que  le "projet cybernétique de créer une machine intelligente et qui soigne" date de bien avant Wiener. On lira par exemple l'analyse que fait de G.Bruno l'historienne F.Yates - et principalement son compte-rendu que l'Art de la Mémoire, divulgué par celui-ci au titre de l'essentielle pratique de l'Hermétisme était, à l'instar des machines préfigurées par DeVinci, un modèle de mémoire artificielle et en fin de compte de machine intelligente - ces machines - qui parlent et qui guérissent - étaient au demeurant déjà annoncées dans les textes des Hermética les plus anciens.

   Même si à mesure que l'on remonte dans l'histoire la forme de l'ordinateur parait de plus en plus intuitive, on ne peut s'empêcher de craindre que CL soit un peu précipitée quand elle attribue à seuls quelques scientifiques et politiciens récents le projet cybernétique. Certes sa notion du symptôme qui se camoufle dans l'uniforme du remède est digne d'attention, mais elle est exactement symétrique de l'inverse, du remède soupçonné d'empoisonner.
   Pour décider de la juste alternative on s'appuiera naturellement sur celle qui est la plus descriptive et informative, à savoir celle qui retient, qui n'oublie ni ne refoule, que depuis longtemps l'esprit se guide de la notion que, de l'être humain la réflexion n'est pas l'unique apanage intellectuel mais plutôt un processus évolutif au sein duquel la machine est appelée à développer en capacité ses processus d'adaptation.

   Ici la machine est moins appelée à 'dépasser' qu'à développer - avant, éventuellement de dépasser.. l'horizon de la mort planétaire.


Surgissement de la mort de la planète
dans l'élan astronomique à la découverte de planètes mortes
ou vivant autrement... ?

 

Ce que CL appelle ligne de rupture fait penser à
ce qui a été apporté à la psychanalyse en terme de huit-intérieur
et/ou bord d'une bande de moebius

Associé à la psychologie collective ce modèle permet d'y noter
aussi bien les champs de valeur que les perspective de chiffre,
c'est à dire des marchandises et du vivant génétique ;
je le mentionne puisqu'à fournir à CL la raison d'une industrie
dont n'atteste jusqu'à présent que la crainte de la mort.

 

   Grâce à la puissance négentropique de l'information, humains et machines peuvent espérer prolonger indéfiniment la chaîne évolutive dont ils sont ~~. Ainsi, changer le monde pour les post-modernes c'est participer activement aux échanges informationnels qui le constitue, c'est apprendre à maîtriser les codes d'un langage universel dont l'homme n'est ni l'auteur ni même le destinataire. Code informatique, code génétique, la volonté de changer le monde semble alors se confondre avec le pouvoir d'en manipuler les ressorts.
   Lorsque le monde n'est plus perçu comme le fruit de l'action historique mais apparaît plutôt comme le résultat naturel d'un immense processus de complexification, le rêve de l'évolution s'efface devant la puissance de manipulation. Qu'il soit question de l'extension infinie des besoins informatiques, des prouesses du génie génétique, ou encore des promesses grandioses portées par les nano-technologies, le sujet post-moderne voit en effet sans cesse s'étendre ses capacités de manipuler le monde. Paradoxalement cette nouvelle puissance de manipulation le fait lentement basculer d'un monde construit à un monde subi. D'abord parce qu'il n'est pas véritablement maître des processus qu'il manipule et comme tout apprenti sorcier il risque de finir esclave des forces qu'il déclenche; ensuite parce qu'il devient lui-même l'enjeu de cette manipulation ; le rêve de modifier l'être humain se substitue à celui de changer le monde.

   L'ego, et précisément le moi freudien, initialement fondu, moulé sur une image spéculaire qui ne brille que par son inertie, constitue une fonction qui a pour vocation de se défendre de changer. On s'attend donc à que la personne humaine résiste à l'évolution que son environnement par ailleurs menace d'imposer.
   CL désigne une ligne de partage propre, selon elle, à n'être clairement tranchée. Cette ligne entre mondes construit et subi est de celle qui partage aussi la cause, en l'occurrence le sujet adapté ou adaptant.
   Il est possible que CL ignore, par manque d'information ou par passion, qu'un bord mœbien répond, depuis que la psychanalyse existe, à sa perplexité. Sur pareille bande on peut voir qu'insensiblement modifier l'être humain se substitue à celui de changer le monde mais que ce n'est qu'alors qu'il gagne en subjectivité - non pas blotti dans une identification à un Idéal.
   La psychanalyse n'en arrive plus à se demander si l'être humain doit subir ou changer les choses - mais radicalement déporte la question sur la définition dudit être. Lorsqu'on lit attentivement CL, on observe que lorsqu'elle parle de modifier l'être humain elle écrase la question de sa nature en le posant modifiable et supposé défini (Idéal unaire). Or l'être humain ne peut se définir lui-même. CL n'a pas pour amant Goëdel  en matière d'Idéal..!

   Amélioré et programmé, le post-humain perd en liberté ce qu'il gagne en capacité. L'ambition métaphysique du monde post-moderne n'est ni l'esprit humain, ni le vivant, ni même la nature, mais l'espace infini du cosmos. Il ne s'agit plus de changer le monde mais de tenter par tous les moyens d'y échapper. Faire de l'être humain un être extraterrestre, voilà bien le fantasme ultime du monde post-moderne ; le cyborg et son proche cousin, le post-humain ont pour mission de s'affranchir du lourd fardeau de l'existence terrestre.
   Si les américains n'avaient pas renoncé (?) à la conquête spatiale avec la récente mission sur mars, on pourrait croire qu'il s'agit là d'une simple lubie théorique. Il faudrait pour bien saisir la profondeur du ~~ en cours poursuivre la réflexion afin d'établir des liens plus poussés entre la conquête spatiale, les bio-technologies et les nano-technologies. Une bonne part des recherches en nanotechnologies vise d'ailleurs à développer des bio-matériaux plus légers et plus résistants pour les missions spatiales ; tandis que le but avoué de la mission sur mars est de trouver l'origine de la vie. Alors, on arrive à sa déconstruction moléculaires.. 

   La puissance négentropie de l'information culmine, avec la vie, dans un art de mémoire, évoluant 'de longue date', qui finit par se combiner à une intelligence artificielle -- présentant l'éventualité de se substituer au moi ou de l'abolir. 

   On constate et comprend comment il se défend : par le Transfert - psychologie des temps modernes - avec sa précipitation imaginaire d'un autre, allié à obvier tout changement.
   Mais cette stabilisation spéculaire entraîne aussi une rencontre des origines spectaculaires qui mène concurremment le moi à observer le code/génome au motif de son identité (chromosome Y entrevu Nom-du-Père). S'il arrive ainsi à s'identifier au chiffre de la génétique, le génome offre un système de code permettant à un organisme de se développer sous toutes sortes de formes, adaptées à des environnements divers.



maman a construit le monde et m'a dit,
 moi
sa fille je le subirai?!s? !!

   Le passage d'un monde construit à un monde subi semble finalement aboutir à une quête d'immortalité. Face à la puissance évolutive des techno-sciences, la mort n'apparaît plus comme une limite infranchissable. C'est du moins ce que soutiennent les militants de la post-humanité, tel le biologiste HD pour qui le vieillissement est une maladie et la mort un phénomène qui pourra bientôt être évité. Réunis en août dernier au sein de la très prestigieuse Université de Toronto dans le cadre de leur 6em congrès annuel, les partisans du trans-humanisme prouvent par leur seule présence au cœur des plus importantes institutions scientifiques que l'idée du post-humain prend de plus en plus de place dans notre monde. Curieusement, ce n'est plus la mort qui apparaît comme inéluctable, mais bien l'évolution techno-scientifique elle-même.
   Face à une telle naturalisation, on comprend bien que le post-humain évolue dans un monde où seule compte sa capacité de s'adapter. Il perd en humanité ce qu'il gagne en promesse d'immortalité.
   On rétorquera à juste titre que le rêve d'immortalité ne date pas d'hier mais qu'il traverse en fait toute l'histoire humaine. N'empêche que l'immortalité à laquelle aspirent les ~~ du post-humain repose sur un rôle//L//rejet des conditions terrestres de l'existence humaine. Procréation, génération, transmission, corporalité, subjectivité, historicité, tout ceci semble désormais désuet à ceux qui rêve de s'affranchir du lourd fardeau de l'humanité. Il ne s'agit plus pour eux de changer le monde, mais de s'en libérer. Ce faisant, ils participent à l'ébranlement du soc de la modernité politique, dont l'ultime accomplissement historique a été de nous libérer du joug d'un monde subi, pour nous placer devant un monde à construire.

   L'immortalité

   La définition psychanalytique de l'être humain - mise en question extrême par J.Lacan s'interrogeant s'il est mortel - est organiquement posée dans la mise au rôle de sa subjectivité de traces idéatives - de nature génétique et que l'on trouve évoquées comme Inconscient ou mentionnées comme Littérature Grise.

   Que la tension vers l'immortalité stigmatise la traversée de l'histoire humaine, n'est pas la preuve d'une disjonction des conditions terrestres. Et nous trouvons au contraire de l'appréhension de CL, au cœur de ces conditions, matière à une mémoire (des conditions terrestres) qui instrumente effectivement l'immortalité. L'extension de la Terre à d'autres astres n'est pas quitter la Terre ! et ne s'affranchit de fardeau que de son étroitesse ; étendre n'est pas quitter.
   L'industrie du code, qu'elle serve à déplacer la forme dans des états algorithmiques (cybernétique) ou à la condenser dans un mode clonique (génétique), offrant la possibilité d'associer fixation et variabilité extrême, et par conséquent libère la vie.

   Ce tableau impressionniste, comme je le disais au début, peut sembler évidemment réducteur ou alarmant, j'en conviens. Il n'a d'autre ambition que de rendre visible des tendances ~utiles~ à percevoir autrement. En réalité, la ligne de partage en monde construit et monde subi est, comme je l'ai déjà souligné, loin d'être clairement tranchée. Cette métaphore permet toutefois de saisir, la profondeur philosophique, et ce renversement philosophique, qui s'est opéré depuis la fin de la fin de la seconde guerre mondiale par le biais notamment de la cybernétique. Si on ne tient pas compte de la profonde divergence entre ces deux façons de concevoir le monde, toute tentative de répondre à la question doit-on et peut-on changer le monde risque de se transformer en un vrai dialogue de sourds. Il y a tout un monde en effet entre une volonté d'action politique et un désir d'~~ techno-scientifique ; en fait c'est l'idée-même de monde qui est aujourd'hui menacée.
   Il faut dire que la frontière que j'ai tenté de placer entre monde construit et monde subi se profile différemment d'un bord à l'autre de l'Atlantique. Tandis que l'Europe demeure attachée à l'héritage de la modernité politique, l'Amérique est pour une bonne part entrée dans la post-modernité. Sur ce point, il est important de préciser, comme je l'ai démontré dans mon ouvrage ~~ que la cybernétique représente tant dans ses fondements épistémologique que dans son ancrage géographique le premier modèle de penser typiquement américain qui s'est exporté. En ce sens, c'est pas étonnant de voir et de constater que des mouvements comme le trans-humanisme ont beaucoup plus de répercussion aux États-Unis, en Amérique ~~ qu'en Europe. D'ailleurs je dois avouer qu'en tant que nord-américain je suis toujours un peu surpris quand je discute avec des collègues européens de constater à quel point la distance entre les deux continents se creuse en matière de vision du monde, d'où peut-être la difficulté de mesurer l'ampleur des mutations en cours.
   "Monde construit ou monde subi " la métaphore est parlante mais elle ne doit pas résonner comme un appel nostalgique ou retour à un monde bercé par le chant des révolutions. L'histoire du siècle dernier est là pour nous rappeler qu'il est faux de croire qu'on peut transformer totalement le monde par le seul poids de la force et de la volonté politique. Les siècles qui ont vu naître la liberté politique sont, faut-il le rappeler, à mille lieux de l'idéal perdu. N'oublions pas que pour ceux qui au cours des siècles ont été exclus du projet démocratique, le monde aura toujours paru subi.
   Pas de nostalgie donc ; le relativisme post-moderne a eu le mérite de rappeler les limites d'une universalité trop confiante.
   Finalement, face à l'avancée fulgurante des techno-sciences qui remettent en cause les paramètres de notre civilisation, procréation, génération, transmission, corporalité, identité, subjectivité, historicité, notre pouvoir de changer le monde devrait nous amener à vouloir le conserver - c'est à dire à maintenir les limites dans lesquelles un monde véritablement humain puisse continuer à exister. Reste alors à définir ces limites. A la question peut-on et doit changer le monde? je répondrais donc bien modestement qu'il faut d'abord conserver l'idée d'un monde à changer.

Au rôle de la psychanalyse

ci-contre, un lapsus de l'orateur
  ..rôle//L//rejet..  

   Au rôle de la psychanalyse, l'attention aux lapsus :
   Ce que CL qualifie de réducteur, d'alarmant, de menaçant : le post-humain, dit-elle, repose sur un rôle... LAPSUS ...qu'elle remplace par rejet des conditions terrestres de l'existence humaine.
   Croyant vouloir dire que le post-humain rejette les conditions terrestres, CL dit que le post-humain au contraire repose sur le rôle des conditions terrestres.

   Un peu plus loin elle conclut : le monde humain continue à exister dans la conservation du monde actuel.
   Le perfectionnement de l'industrie de la mémoire ADN a permis de distinguer entre conservation et préservation du génome, c'est à dire de l'identité humain. La conservation est au rôle du moi, transitoire et imaginaire.
   Dans la conservation le monde n'existe qu'à signer sa disparition par la mort qu'elle assigne à sa limite imaginaire. La préservation dessine l'identification au chiffre, au projet de le proroger en tous termes environnementaux. Autant CL préfigure-t-elle la résistance du moi à l'évolution - que son lapsus indique dans la préservation son rôle sublimé Lien par eBOOK Lien par WEB-on-line .

   Or il reste à trouver à l'analyse de ce lapsus l'erreur ou la faute qui - comme à la colère l'ignorance est nécessaire - est nécessaire au témoignage dudit lapsus. On trouvera cette erreur dans l'appui que CL prend sur un projet démocratique à la perspective duquel une population dessinerait une construction du monde. Or pareil projet ne conçoit pas d'exclusion que néanmoins CL lui associe. A vrai dire le projet démocratique sur lequel CL s'appuie donc est un leurre, sur lequel s'appuie la perversion de la république.
   Platon l'a expliqué et elle est encore bien dénoncée par Sade qui en appelle à ce que jamais on n'estime de projet démocratique qu'en vue qu'elle soit 'directe'. Or une démocratie directe ne peut se concevoir qu'à la mesure d'un appareillage qui est celui de la technologie actuelle, cybernétique.

   De là, au demeurant, on découvre que pareille gestion avec l'intelligence artificielle du monde, établit les termes d'une écologie pratique. A côté d'une démocratie que CL soumet à l'Idéal d'un projet, l'écologie appareillée de la démocratie directe inscrit l'être humain pour perdurer au travers des conditions logiques de l'évolution.

QUESTIONS - RÉPONSES - DISCUSSION

Questions et auteurs divers, commentaires ; plus décousus
PR : La question que je voudrais poser c'est est-ce que vous faites un.. vous avez dit à la fin que la cybernétique était un mode de penser typiquement américain - ça j'aimerais que vous développiez un peu parce que pour moi qui ne connaît pas du tout ça, c'est pas évident que ça appartienne plutôt au monde américain qu'au monde scientifique dans certains de ses développement - donc sur l'identité de ce mouvement c'est intéressant ; et est-ce que vous le rapprocheriez d'une bataille qui moi m'est personnellement assez chère, qui se déroule en ce moment sur le front de la psychanalyse et de la psychologie entre si vous voulez les tendances behavioristes américaines qui effectivement sont en train de prendre l'assaut des chaires universitaires plutôt influencées par l'Inconscient. Ce qui - si on relie/relit tous ces phénomènes - pourrait nous donner à penser que le point de résistance au processus que vous décrivez pourrait être le langage.

   L'échange ici montre d'abord le préjugé de PR qui mi-dit l'influence du discours universitaire par l'Inconscient, en omettant de préciser que c'est une influence qui engage ce discours dans l'inhibition, jusqu'au refoulement du savoir inconscient. Mi-disance et médisance finalement qui laisse totalement hors du champ le fait que lesdites tendances behavioristes assaillent les chaires universitaires avec pour effet Lien par eBOOK Lien par WEB-on-line , sinon dans le but, de libérer l'Inconscient

   Évidemment ces 'tendances' ignorent leur propre détermination, mais on en trouve l'aveu graduel dans la réponse de CL qui, au behaviorisme apparente les sciences cognitives, puis de là le projet cybernétique, aboutissant au seuil du pas suivant ; celui où le projet cybernétique s'avère être essentiellement soutenu par la psychanalyse (de Freud et son Esquisse science des réseaux neuronaux, à Lacan et ses Parenthèses traité cybernétique, au PLuriel ANalytique et se distinction de LAPAREIL).

 

   Pour ce qui est de la question du langage.. euh... ou de la question des sciences cognitives, évidemment, le débat est là. Hein! c'est des représentations qui sont en jeu et sont nées de la cybernétique ~~ science cognitives ~~ Je renvois à l'ouvrage du JDP qui montre très bien que les sciences cognitives sont nées du projet cybernétique et que là, il y a  un danger d'une représentation de l'être humain ; puis la psychanalyse freudienne - demain un des derniers modèles d'une représentation d'une subjectivité moderne dans son concept d'Inconscient, c'est à dire une autonomie, une résistance à une totale socialisation du sujet?
   Et évidemment le structuralisme - c'est le travail direct que j'ai fais pour ma thèse et puis dans mon livre -   le structuralisme où Levis-strauss, quand il revient à Paris en 48, il revient avec la Théorie de l'Information ~~ de Jackobson - Jackobson participait aux conférences ~~  - donc le structuralisme bâtit son modèle, le modèle de Levi-Strauss à partir de la cybernétique et des théories de l'information et de la communication - donc toute la construction du langage doit être modelée à partir de là, de la pensée cybernétique.
TM : Je trouve aussi très intéressante ta remarque sur le fait que quand tu viens en Europe tu es frappée par la façon dont s'accroît le fossé entre les visions du monde propres à l'Europe et à l'Amérique - je trouve que c'est vraiment intéressant parce qu'effectivement on est dans une époque où il semblerait qu'une sensibilité européenne fort différente effectivement de celle des États-Unis soit en train de se développer ; et peut-être commence à prendre conscience d'elle-même d'ailleurs, ce qui est peut-être nouveau.    Cet échange ci-contre s'appliquerait, s'expliquerait fort bien et suffisamment avec le modèle du huit-intérieur (ci-dessus). Là où CL passe d'une ligne de rupture (entre des époques) à l'ampleur de la rupture (entre des continents), on trouve dans le modèle ce qui répond à la question de la coïncidence entre l'idéalisation messianique et l'abjection attribuée au post-moderne :

   Le huit intérieur sous son apparence bivalve, indique entre ces deux valves (Europe, USA par exemple) là où le bord se croise - le lieu caché de l'objet dit (a) - fig:20;1 - et là où il est ouvert le lieu vide de l'Idéal (tendu ou joignant 2&3, fig:20).

Mais en même temps, je ne suis pas certaine que les européens mesurent l'ampleur de cette rupture , ~~ pourraient s'inquiéter ~~, mesurent l'ampleur de la rupture.. c'est dans ce sens là
IS : mais comment, dans ce contexte-là - puisqu'au fond on a un témoignage venu de ce nouveau continent devenu mystérieux, enfin.. devenu opaque - comment est-ce qu'il y a eu un lien possible entre cette pensée post-moderne d'un monde subi... d'une "évolution" subie plutôt etcetera... et le messianisme américain, messianisme religieux américain qui nous fait au moins autant peur que les rêves d'immortalité etcetera
Mais c'est c'est le propre du post-moderne.. forcément.. il y a la pensée post-moderne et il y a la post-modernité hein! qui est autre chose... Pour moi la post-modernité c'est un mode de régulation sociétale, c'est à dire une nouvelle forme d'organisation du monde, de l'opérationalité technique.. bon..      donc Bush évidemment semble... mais semble!    c'est l'extrême traditionalisme, c'est l'extrême conservatisme, c'est... bon, on est tous... du point de vue de l'Europe, c'est comme un retour, mais en même temps quand on regarde, c'est la réaction-même à l'intérieur de l'Amérique ~~ c'est l'archaïque - d'ailleurs le post-moderne, c'est le pré-moderne aussi ; beaucoup de... pré-moderne et post-moderne... c'est à dire : c'est le mouvement moderne qui est court-circuité ; donc il y une espèce de retour, un repli sur soi et je crois (pas) que Bush est post-moderne mais je dis que ça coïncide - mais, là où c'est intéressant c'est quand Bush est parti en guerre, la première chose qu'il fait c'est de voter le plus grand budget dans toute l'histoire des États-Unis pour la conquête spatiale et pour les nanos - et les nanos.. ben! c'est toute l'utopie de l'humain et de la machine - c'est que ça coïncide... évidemment c'est le mouvement fort dans le sens continu pendant que Bush, lui, il est un réactionnaire.. mais il y a un mouvement de fond, il y a deux mouvements là-dedans... je ne sais pas si c'est clair...
 Je me pose la question - c'est à dire, ce que nous avons théorisé, nous, comme post-moderne - et ce n'était que de la théorie en fait et on en jouait - à savoir que l'ultra-moderne et l'archaïsme finalement se valaient l'un l'autre ; mais là, nous en avons la mise en oeuvre, précisément! et on se rend compte qu'éventuellement ça n'a pas exactement forcément la même valeur et les mêmes impacts. C'est à dire la première question que je me pose du coup - je pense évidemment à Lyotard quand il fait la définition de l'inhumain, en tant que non-humain évidemment - c'est : est-ce qu'il avait évalué les conséquences de sa pensée
   En marge de l'intéressante spéculation/spéculaire vision de l'Europe de la virtualité américaine, une aperception de ce que l'archaïsme européen maintenait face à l'ultra-moderne appareillé :

   Le lacanisme, ici appelé comme référence fit, on le sait, lui-même référence à un désigné Autre - prononcer Grand Autre. Encore témoin d'une relation imaginaire, le progrès de l'objectivité précipité par l'appareillage, permet à la fois de désigner cette instance du terme d'Eux où premièrement l'individu atteste de semblables et, deuxièmement, de la caractériser du neuf.
   Cette nouvelle altérité diverge de la régression laissée à l'Autre d'y voir du non-humain. La croisade maçonnique au pays des Tipis nous revient bien en renouveau qu'on estampillera - plutôt qu'en Seconde Renaissance - d' e9

Ce qui est intéressant... pour une précision... au niveau ben.. dans ce que j'ai fait comme histoire... pour...     la rupture cybernétique... aux Etats-Unis, Wiener, Bateson  sont toujours considérés comme un humaniste, ils voyaient en continuité... et les cybernéticiens ne se réclamaient pas de la rupture - c'est une fois que c'est arrivé en France, tout de suite après la guerre, par le biais des structuralistes, par le biais de Lacan, par le biais évidemment plus tard des post-modernes, eux vont saisir la rupture, ils vont l'écrire, ils vont chercher dans  ~~ dans une réflexivité sur la post-modernité ~~ aux États-Unis, ~~ mais finalement c'est eux qui avaient le plus compris la rupture américaine.
Et c'est peut-être une petite chose qui me manque vraiment dans votre tour d'horizon, c'est la manière dont les penseurs ne sont pas seulement définis par les fondements, mais se posent des problèmes ; on peut dire que premier xxx visage de l'homme s'efface ; il tombe dans notre diagnostique et puis il pense, nom-d'une-pipe! et puis.. il apprend - donc il me semble qu'il y a des trajectoires  et pas seulement des... vous êtes très foucadienne mon chou
   Cette même relation imaginaire, transférentielle - contre - transférentielle fait le modèle de la politesse - après vous, je vous en prie.. - à trouver dans le jeu pari-impair du Séminaire sur Le Lettre Volée. C'est de la cybernétique que CL fait mais, du 'n'en-voulant-rien-savoir', s'arrétant au cercle de la répétition.

 

Non, non, mais je suis d'accord avec vous - je dois préciser que, ce qui m'intéresse encore là, c'est une interprétation de Foucaud, qui aux États-Unis le Foucaud qui est lu, c'est ce Foucaud-là - le Derrida qui est lu, c'est le Derrida de la ~~ c'est pas le Derrida contemporain qui se pose des question plus morales et tout ça... donc c'est... c'est.. il y a un moment historique.. c'est toujours du point de vue de la French théorie que je m'interroge, en non pas de l'évolution, évidemment, il n'y a aucun de ces grands penseurs-là qui se réduise à la part de la cybernétique, mais dans l'influence qu'il ont eu au niveau de la culture américaine et de la culture techno-scientifique - parce qu'ils ont nourri aussi tous les mouvements pour le post-humanismes.. tous les mouvements.. donc c'est dans ce sens-là..
PB : Oui, juste un point sur ce qui pourrait apparaître anomalie qui n'en est pas une dans le paysage que tu as pensé ; un lecteur des textes de Wiener que tu as cité, trouverait chez Wiener entre 40 et 50 un contestataire et un anti-libéral - puisque Wiener est un anti-militariste ; il a d'ailleurs... il n'a pas inventé l'ordinateur dit-il, parce qu'il ne voulait plus travailler pour l'armée et il a longtemps inspiré un mouvement qu'on pourrait qualifier de libertaria qui a été à l'initiative aussi de la révolution informatique - enfin, des jeunes qui faisaient de la révolution informatique une révolution politique - donc pour saisir l'articulation avec la conjonction avec le libéralisme aujourd'hui que tu as évoquée - moi je crois - mais c'est une hypothèse de travail - mais je crois que c'est vraiment Internet qui a été... les nouvelles technologies qui ont été le point de convergence entre les libertariens et les libéraux, sur des thèmes comme ceux qui accompagnent les nouvelles-technologies. Donc la convergence avec l'ultra-libéralisme, elle est postérieure et je crois qu'il faudrait en laisser indemne Wiener .
   A ce point les bons et les méchants, les libertaires et les libéralistes se réconcilient, refusionnent dans une dissipation, une dilution où l'on reporte la brume de la rupture - et/ou de l'horizon - à la fusion de l'information généralisée, la littérature grise, Internet.

 

C'est vrai, je me souviens de ce récit de Wiener tentant de prévenir les syndicats : justement, si vous voulez continuer à modeler le monde, faites attention ! Y a, y avait, oui, euh..
C'est ce que je disais aussi, les cybernéticiens eux-même, Wiener en premier, c'est un humaniste, c'est un libertaire - mais le modèle informationel, sa conception de l'être humain a transcendé ce que lui-même... ça le dépassait.. dépassait ses propres convictions politiques.

 

E là-dessus je me demande s'il ne serait pas intéressant de relire un essai de XX - le X de Prague - dans lequel il montre comment le modèle cybernétique peut être un peu comme la créature inventée par le XX de Prague, c'est à dire le Golem, qui à un moment arrive à effacer le pentagrame qui est dessiné sur sa tête et qui échappe à son créateur parce qu'il trouve son autonomie dans la mort et tout à coup nous fait entrer dans un monde quand même assez comparable..
   Le commentaire ensuite se fait plus succinct, pointu  ou laconique. Il ne trouve pas  - ou ne cherche plus à trouver - un discours à proprement parler.

 

 

 

 

 

 

 

   Solution narcissique de LAPAREIL ; fuite ou au contraire persistance (mémoire par le meme)...

 

 

Ben oui, Wiener c'est quand même le Golem hein..
Ah! Tout à fait pour l'anecdote, un des grands introducteur de la cybernétique en France qu'est XX s'est converti au judaïsme pour s'inscrire dans cette tradition. Il ne s'appelait pas Abraham...
J'ai cru comprendre qu'il y avait aussi une réflexion sur le liens que le post-modernisme pouvait entretenir avec l'usage américain - disons pour dire les choses comme ça - des spiritualités orientales.. est-ce que tu peux faire un commentaire à ce niveau là..
Oui, ~~  quand je parle d'un monde subi, c'est avec beaucoup de bémol parce qu'il s'agit d'une interprétation... bon de toutes façon, dans toute ce qui est occidental ~~ du zen ou du bouddhisme j'ai beaucoup de.. parce que c'est en dehors du contexte socio-historique dans lequel sont nées ces religions-là, et qui fait des religions de résistance, dans la mesure où s'agit justement de fuir un monde qui ~~   tandis que les post-moderne bouddhistes technoscientifiques aujourd'hui veulent fuir un monde dans une logique.. dans une logique narcissique. C'est complètement différent, ça n'a rien à voir avec le contexte d'origine. Mais ce qu'on s'aperçoit c'est évidemment c'est par rapport à ~~ sujet, au fait qu'il n'y ait plus d'objet. Donc évidemment, c'est presque un lieu commun chez XX.. pas Wiener parce que.. chez XX même Lacan, à un moment donné j'ai trouvé des écrits.. XX.. il y a vraiment une espèce.. ça pointe vers le bouddhisme, vers l'immanence.. c'est un espèce de nouveau lieu ~~ actualité, évidemment ça alimente ~~ les vrai militants du post-humain ou des gens comme XX par exemple, c'est clairement exprimé. C'est quelque chose qu'on retrouve chez XX, qu'on retrouve partout..
oui, juste une remarque, c'est que c'est une vieille histoire, XX au fond au nom duquel le Cercle de Vienne a été créé, XX a été un penseur de la dissolution du moi bouddhiste.. donc là... la lignée est vraiment ancienne
   Où la relation avec la religion, secte et/ou ordre social s'éclairerait de l'identification de l'Hermétisme dans l'élaboration de LAPAREIL

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Oui, mais c'est toujours ça hein, c'est, comme je le disais, c'est qu'il y a toujours, même sur la question homme-machine on peut remontrer très très loin, mais quand je parle de la rupture c'est toujours... ça paraît peut-être pas mais je suis sociologue, alors c'est dans la mesure où ça devient un mouvement de société où par exemple cette influence du bouddhisme bon.. c'était resté chez XX, c'est une chose.. mais ça a alimenté, il y a vraiment, on voit, il y a des communautés entière qui s'alimentent de cette construction-là et qui nourrissent justement l'idée du post-humain, qui militent, bon.. il y a vraiment toutes sortes de communautés. C'est dans ce sens-là évidemment il y a toujours.. on peut toujours remonter dans une généalogie intellectuelle plus loin, mais au niveau sociologique, c'est quand ça devient signifiant socialement
Oui, une remarque juste, je me demande si l'Europe des corps ne va pas à l'inverse de l'Europe de la pensée, au sens où, moi je suis persuadé et frappé par.. dans l'évolution des médicaments, par l'apparition d'adjonctions qui sont moins des médicaments de guérison que des médicaments finalement de transformation, au sens où vous l'entendez ; c'est à dire que par exemple le.. la.. c'est un phénomène très souterrain parce que les gens n'en parlent pas, comme si justement ils l'avait intégré dans une intériorité.. dans une sorte d'intériorité, c'est à dire que par exemple je pense qu'insensiblement le niveau de tolérance à l'angoisse chez les contemporains devient de plus en plus faible. En réalité les gens prennent des médicaments et, le résultat maintenant.. ce à quoi on est arrivé dans le cas des anxiolytiques par exemple est immédiatement performant - ce qui dispense de s'interroger, ce qui dispense effectivement du travail sur l'Inconscient, mais qui se situe quand même... on se demande dans quelle mesure ça ne se situe pas dans un processus de.. euh..comme ça, d'auto-transformation, insensiblement. Or ce qui m'a fait penser à ça, paradoxalement c'est de façon plus générale si vous voulez, le rapport à la souffrance... la souffrance est quelque chose qui est de l'ordre de l'humanité. Et le rejet de la.. on peut s'interroger sur le sens du rejet très massif et très phobique, finalement, de la souffrance
   Où l'on voit une réflexion sur la pharmacologie, isolée selon la pensée moderne, ignorant, niant ou refoulant, son très ancien et traditionnel usage. Au point que comptant le LSD sans antériorité, on soit aveugle du même coup au fait que la Cybernétique était une notion comprise à l'origine des fondations culturelles - évoluant naturellement vers la mise au monde de LAPAREIL.

 

Mais là vous touchez... vous touchez à un reliquat, justement, de la déconstruction de la subjectivité post-moderne, c'est d'abord, je dirais pas que c'est de l'intériorité, c'est que justement le remodelage de l'intériorité par la pharmaceutique, par le chimique, c'est déjà dans l'idée d'une adaptation.. de s'adapter au flux émotionnel hein, puis bon.. y a des ~~ encore plus fort qui vont pouvoir s'adapter dans une démultiplication identitaire. Chose très intéressante de point de vue historique, les premières expérimentations sur le LSD ce sont des cybernéticiens qui les ont fait - entre autre Bateson..  c'est des cybernéticiens et évidemment dans le rapport à la souffrance, je faisais mention tout à l'heure, d'une façon très métaphorique évidemment, l'horizon de la cybernétique comme je le disais, c'est une espèce de quête de l'immortalité où ce n'est plus la mort qui est inéluctable, mais le développement techno-scientifique lui-même qui.. évidemment la souffrance n'a plus aucune mesure.. au MIT en ce moment il y a une groupe de recherche dirigé par XX qui s'appelle Technologie et Soi où à l'intérieur du groupe de recherche il y a des gens qui travaillent sur le PROZAC comme mode de création de la subjectivité.
... sur la question qui vous est posée sur le rapport par exemple à un certain nombre de spiritualités occidentales comme le bouddhisme ; parce que je suis très frappé que dans le milieu des informaticien dans lequel j'ai quelques entrées familiales si on peut dire, dans laquelle on voit très bien dans la discussion, c'est d'abord les anxiolytique. Finalement le moi c'est une illusion et la souffrance c'est une illusion ; donc l'anxiolytique fait disparaître cette illusion ; je pense que ceux qui ont inventé les anxiolytiques n'avaient pas pensé comme ça.. et en second lieu c'est de dire mais au-delà nous serons capables bientôt d'inventer des outils informatiques - c'est à dire l'implantation de puces dans le cerveau etc.. qui fait que la souffrance disparaîtra tout simplement. Et donc on aura fait disparaître l'illusion. Et on voit très bien comment on passe de l'ascèse de soi-même qui est celle du bouddhisme pour se détacher de l'illusion et de la souffrance à au contraire... comme c'est une pure illusion, donc techniquement nous allons résoudre le problème... mais en même temps l'idéologie bouddhiste joue.. en fait je pense que le bouddha n'aurait peut-être pas retrouvé ses enfants dans tout ça..
   Voyons prenons H.Laborit par exemple. On constatera que la pensée de cet "inventeur"  était bien tournée vers la native de l'illusion, de l'inhibition de l'action etc...  Par conséquent, on se demandera d'où l'auteur ci-contre tire ses opinions. S'il cherche à signifier qu'il n'est pas "enfant de bouddha" - ce qui est probable - il aura d'autant suggéré que le bouddhisme est du côté de la cybernétique voire des solutions chimiques qui prouvent la nature de l'existence.

 

Oui, tout à fait, mais ultimement ce qui joue là-dedans c'est ~~ des mouvements comme ça.. c'est qu'il y a un mouvement de fond qui est assez.. pour ceux qui.. il y a tout de même une différence entre l'Amérique et ici où ça devient vraiment l'ambition de passer et où c'est toute la question de l'action dans l'homme - c'est qu'on arrive à une science qui devient elle-même naturalisante donc il n'y a plus aucune possibilité d'action, on est dans un monde subi où il faut.. mais.. alors qu'on l'a créé nous-même. hein, c'est.. c'est..  ~~ 
On peut supposer aussi quand même que nous avons historiquement tous été confrontés au fait que notre technologie qui était notre orgueil et qui était ce avec quoi nous espérions transformer plein de choses - progrès de la science, progrès de la compréhension de l'univers, progrès des technique etc... tout s'est effondré avec le fait que les chocs en retour que ça avait au niveau pollution, au niveau conséquences défavorables était infiniment plus important qu'on ne le pensait. Mais j'imagine que le mouvement post-moderne est quelque part aussi je dirai l'écho de cette réalisation qu'effectivement nous avons été en grande partie des apprentis sorciers
   L'orgueil du progrès aveuglé - qui ne voit pas la pollution comme l'objet de surprise, mais aussi de ressource, de réveil - d'éveil du post-moderne. Devant ces évidences, comme l'effet sociologique de LAPAREIL, le déclenchement de la survie planétaire.. la pensée moderne se fige, littéralement, sans ne plus savoir ni ce qu'elle dit, ni quoi dire.

 

Mais non mais, mais.. mais.. quand on regarde, c'est ça qui est curieux ; c'est que même les post-moderne, même Lyotard lui-même; il remet en cause tout! Le sujet, la première chose qu'on remet en cause c'est le sujet - le sujet c'est la condition de possibilité de l'objet ; là on ne garde que l'objet qui doit se subjectiviser et ~~ la cybernétique c'est extrême subjectivité et l'extrême objectivité! c'est.. ! mais le paradoxe dans tout ça c'est que les post-modernes remettent en cause, mais jamais... par exemple dans l'idée du flux informationel qui forme le lien social, hein! qui forme le lien social et les réseaux informatiques qui sont la techno-science en acte ne sont jamais remis en cause - c'est les bases à partir duquel on doit penser le monde ; donc c'est quelque chose d'assez...

Puis même si les écologiste entrent dans le coup, même si XX ou des trucs comme ça, c'est Wiener lui-même qui le dit, on a tellement transformé l'environnement que maintenant il faut se transformer nous-même ! Mais il faut quand même dire ça : c'est très très clair dans l'inhumain.. c'est toujours métaphorique.. Lyotard, on ne sait jamais exactement lui où il se situait mais Lyotard le dit très très bien que ~~ la conquête spatiale, on est pris dans l'urgence, dans quinze milliard d'années, de quitter la terre donc.. il y a toute cette structure derrière, donc c'est par la science qu'on va se sauver de la terre.

D'accord, la question que je me pose est-ce que la question n'est pas celle typiquement d'XX - je veux dire pas là, je pense à la fin absolument hallucinante d'un livre qui s'appelle XXXX de XX, c'est un des grand xx américain - qui explique de toute façon l'avenir, le seul avenir possible de la race humaine c'est un jour de migrer de la terre, de conquérir la galaxie et que dans 15milliards, ou 100 milliards d'année, je n'en sais rien, de toute façon nous serons totalement décorporalisés, nous ne serons plus que des systèmes informatiques abstraits qui tireront leur énergie.. on ira graviter autour des trous noirs - parce qu'il y a une espèce d'entropie de l'univers, et que nous tirerons notre énergie - ces espèces de nuages d'intelligence, si on peut dire, tireront leur énergie de...  donc la question que tu poses, à la limite, elle n'a plus de sens - si on raisonne comme ça ; qu'importe les dégâts que nous faisons à la terre puisque de toute façon ce n'est pas ça notre destin.
   La déclaration d'entropie qui fait la réponse finale de CL lisant Wiener face aux suggestions de la conversion, de la ressource - donne raison à l'ouverture de la conférence où elle est présentée comme une "adepte" de Norbert Wiener.

   L'ambiguïté de son allégeance aura sans doute tenu au recul de Wiener sur la sociologie - strictement similaire à celle de Freud évanoui au seuil de la psychologie collective.

 

Il me semble.. j'ai mis du temps à voir ce que.. le point où j'aimerais.. où votre perspective me gène un peu là, c'est comment vous vous fiez au thème inéluctable - or il peut, comme Wiener .. vous venez de le répéter : il faut changer. Or cela peut avoir deux.. comment dirais-je.. deux sens : l'un qui pourrait être celui de Wiener : il n'y avait pas de loi mais nous nous sommes mis dans un si mauvais cas que nous n'avons plus le choix ; et l'autre qui en Europe a été très fort repris justement par ceux qui ont dénoncé la techno-science depuis Heidegger - enfin.. Heidegger n'a pas évidemment nommé la techno-science - mais ceux qui ont dénoncé l'histoire de l'arraisonnement de la nature et de l'homme d'ailleurs par lui-même et qui en font une espèce de destiné supra-historique, donc il faudrait me semble-t-il distinguer les auteurs qui lisent le moment historique où nous nous sommes mis dans une très mauvaise situation, XX en était aussi par exemple, et ceux qui voient là le déploiement d'un fatum par rapport auquel il faudrait une véritable conversion pour se sortir.. de
Chez Wiener, les cybernéticiens et même les post-modernes... c'est l'entropie, même chez Levi-Strauss hein, il parle du fameux  Enthropologie, avec le 'e' d'entropie ; chez Wiener ~~ c'est l'entropie, c'est clair ; quand il pose que nous avons modifié nous-même notre environnement, évidemment c'est qu'il prend en compte les transformations historiques mais lui son univ.., on est voués.... nous sommes des naufragés sur notre planète vouée à la mort - c'est pas historiquement, c'est pas par action historique, c'est par entropie
Oui mais l'entropie ne me semble pas suffisante. je veux dire, l'entropie est une hantise depuis le 19em siècle.. eh, oui, depuis que cette malheureuse entropie a été chargée de l'angoisse de l'épuisement du monde. Camille Flammarion imagine le dernier homme dans un monde dévasté etc..; donc, je, ça.. là le rôle de l'entropie ne me... suffit pas tout à fait
   Où CL se désole de ne pas trouver de raison historique pour accrocher une possible négentropie à sa lecture cybernétique ; résultat du refoulement qui la base (refoulement de l'histoire, qui est le refoulement à partir de quoi la Renaissance prend essor).

 

Mais je ne comprends pas.. ce que vous voulez savoir c'est en quoi c'est inéluctable - en quoi c'est un modèle inéluctable - c'est que on parle par exemple même si on regarde en sciences sociales et même en sociologie, en sciences sociales, c'est que dans l'influence de la cybernétique dans les sciences sociales.. bon c'est l'entropie l'horizon métaphysique, je suis d'accord avec vous, ça date du 19em, mais.. c'est qu'on passe par exemple de l'idée de société à la société ~~ socio-historique - l'accent a une idée de système - le modèle cybernétique c'est qu'on est dans un système de communication d'informations... il y a toujours des transformations possibles, mais on n'est pas dans l'histoire
Mais justement de ce point de vue-là Wiener a résisté - il raconte comment Bateson, je crois, est venu le voir en lui disant qu'il faut créer une sociologie ~~ cybernétique, et Wiener a dit mais non! ~~ temporel - ce qui veut dire il y a trop d'innovation de modification, de modelage on pourrait dire

 

 

   Si Wiener est sujet à critique, on trouvera probablement un point où il a cédé sur son projet - un point où il aura marqué une résistance. C'est dans l'extension de sa cybernétique à la sociologie qu'on le trouve.

   On trouve une expression de cette résistance dans le rejet que la physique, l'objectivité matérialiste, soit métaphorisée dans la sociologie. Or du point de vue de la psychanalyste, c'est précisément par cette métaphore que la sociologie adopte une capacité à intervenir dans ou sur la physique.

   Pour CL au contraire, la métaphore est le signe d'une inanité.

 

 

 

   Il est vrai que Wiener, comme 'père' de la Cybernétique n'a pas brillé - sa prévenance à étendre la cybernétique au social où elle paraît intelligence artificielle l'a laissée aux militaires.

 

Tout à fait, Wiener lui-même était opposé à l'application de son modèle aux science sociales - mais ce qui n'a pas empêché que son modèle était.. et que c'est devenu un horizon contemporain.. toujours du point de vue sociologique
Là il y a aussi la volonté de faire-science des sociologues
Ce que je me demande, Isabelle, c'est qu'effectivement, vous avez raison, Wiener c'était "nous nous sommes mis dans un si mauvais cas que nous ne pouvons plus faire que ça.." et dans quelle mesure.. enfin, moi lorsque je lis surtout.. que je lis les spécialistes de l'intelligence artificielle, il ne se sont pas crée une philosophie qui était "on ne peut plus faire que ça" - et donc on le transforme en destin historial.. c'est extraordinaire! parce que ce que je veux dire...on reprend Heidegger sans en avoir toujours conscience et.. on prend en même temps le contre-pied d'Heidegger.. qu'à travers l'arraisonnement, c'est la science qui se met à penser.. il y a une ruse de la raison, une ruse de l'histoire absolument extraordinaire.
Exactement mais le pire dans tout ça, moi par exemple dans ma critique, dans le regard que je porte, surtout dans... j'ai travaillé aussi sur le génie-génétique & cybernétique, mais c'est d'abord les sciences humaines.. c'est.. étaient beaucoup plus radicaux ceux qui ont implanté la cybernétique aux sciences humaines parce que justement c'est... que les cybernéticiens eux-même.
C'est pour ça que l'entropie me gène parce que l'entropie.. bon, c'est vrai que l'entropie a été reprise en terme d'information - mais l'entropie est née physique et continue physique
Tout à fait, c'est tout à fait métaphorisé... on est dans la pure métaphore
Il n'y a pas très longtemps je suis retombé dessus et ça m'a amusé parce que ça m'a rappelé ma jeunesse, je suis retombé sur les ouvrages de Camille Flammarion, la mort de la terre par entropie etc... et je me demande dans quelle mesure, effectivement, ce type de pensée s'inscrit dans ce courant, et dans cette tradition, sauf que finalement nous avons trouvé le moyen maintenant d'en sortir, nous ne sommes pas condamnés à la mort
   La conférence se termine sur la reconnaissance que l'histoire se borne à l'horizon terrestre - bien que d'horizon on sache qu'il n'y a qu'illusion - et se clôt sur un constat, certes d'échec mais néanmoins content.

 

Nous ne sommes pas condamnés parce que justement nous pouvons faire des cerveaux artificiels qui pourront effectivement s'auto-nourrir au bord d'un trou noir.. ce sera plus nous, mais ce sera de la pensée calculante
Non mais c'est ça, mais c'est inéluctable.. mais encore là c'est.. quand je parle de monde subi, monde construit, c'est dans l'idée d'une construction socio-historique, politique, où l'horizon c'est l'horizon terrestre ~~ évidemment que pour les tenants du post-moderne et du trans-humanisme pour qui il n'y a pas de sujet, la continuité, la possibilité de se cloner dedans... son cerveau à l'intérieur d'un ordinateur.. ben, c'est une continuité, ce n'est pas du tout une inéluctabilité - mais quand on est dans une autre vision du monde on est face à... parce que c'est vu comme un évolutionnisme. A la limite on pourrait très bien basculer dans cette autre vision du monde-là, y adhérer complètement, puis bon..  on sait pas ce que ça va donner
..ça n'empêchera pas les cyclones de ravager les choses et tout le bazar se détraquer hein..
hé hé hé
4em Colloque de Bruxelles sur le thème Peut-on, doit-on changer le monde?

avec Céline LAFONTAINE
Philippe COHEN
Isabelle STENGERS
Thierry MELCHIOR
Philippe BRETON

 

 

 

   Après un siècle d'expérience et 50ans de cybernétique, la psychanalyse a substantifié la révolution copernicienne dont on a qualifié l'acte freudien, d'une modification de la définition de l'humain certes, mais intimement coordonné à ses prémisses historiques - en d'autres termes la forme humaine n'a pas changé mais sa mémoire beaucoup plus probablement.
   La psychanalyse a modifié la forme humaine de la mémoire.
   D'un statut de jouet de l'oubli à celui d'une mémoire vivante, le déport est néanmoins de l'ordre de cette rupture que CL n'aura imaginée qu'à l'inverse du machinisme dans la guerre, alors que plus certainement l'humain se distingue dans la chronologie des espèces lorsque son désir apparaît de renoncer à l'entre-dévoration.
   Chronos en se civilisant, ne dévore plus ses enfants.

   A la conclusion d'un être de paix, nous sommes rendus au milieu d'un état de guerre actuel.
   Mais aussi, cette mémoire, qui ne se borne plus à un horizon imaginaire, étendant la vie et la conscience à la matière, entraîne nécessairement sinon probablement, la personne humaine dans un projet cosmique. Croire que l'être humain se perd dans cette extension spatio-temporelle, c'est d'une part ignorer son psychisme, et d'autre part l'identifier à la forme biologique à partir de laquelle nous parlons présentement. Mais si cet être règle son identité au code qu'il singularise dans la mémoire - son génome - il existe à partir d'un chiffre qui l'inscrit dans une multitude de circonstances environnementales.
   L'individuel ego accède au multiple du chiffre, zéro.

   C'est vite dit, mais j'estime assez probable que la résistance à cette compréhension soit attachée à l'équivalent où à ce qui correspond au complexe d'Oedipe dans le rapport au père ou au mâle, dans ce cas au complexe que l'humanité ensuite ou à présent rencontre dans le rapport à la mère, au semblant ou à la femme.
   

DWT
20051127230300