extrait du rapport
d'investigation Anth.Toll 20221222221500
..// C'est durant cet épisode que la carrière
de ZK a pris un tournant fatidique. Ça ne s'est pas vu instantanément
mais c'est en cumulant les déductions où par-ci, par-là le
raisonnement menait, qu'il dut réaliser sa décision.
Il lui était arrivé de dire que l'Art, dans toute sa
majesté comme à travers toutes ses variétés, du sublime au plus
médiocre, était toujours – parce que cela lui était essentiel –
une.. (il n'arrivait pas à mieux le dire) : une
« descendance » du refoulement (!!)
Cela signifiait que le Refoulement était l'origine et le parent de
l'Art, signifiait que l'Art en était aussi une réduction, un
appauvrissement, abaissement du refoulement lui-même, lequel qui
autrement est une discordance manifeste, lieux de symptômes signaux qui
en alertent.
« Avec l'Art, l'efficace Dyonisiaque du
scandaleux Refoulement qui pousse à sa levée, devient un lénifiant
Apollinien, doublé de grâce et d'émotion.
» Si l'hérésie est un art, c'était du grand art ! Mais le malheureux
ZK n'allait pas se faire des amis avec ça.
Quand je le rencontrais chez lui durant cette
période, je te trouvais tantôt déprimé et ratatiné, tantôt
pétillant, parfois seulement des yeux quand il me disait :
« Tu sais, ça ne dérange personne,
ce n'est que la même chose qui toujours se passe. L'Art secondait la
religion, ou bien c'était lui qui suscitait la religion, sauf dans
certaines qui interdisaient l'image mais dont les lettres en étaient
pleines. L'Art se cachait aussi dans l'architecture et dans les
utilitaires (le poteries, les casseroles etc..). Puis à certains
moments il se détache complètement, il subsiste par lui-même, devient
une valeur, un signe de prestige ou une valeur de marché, une
jouissance. Mais.. regarde la Religion, regarde-la avant et jusqu'à La
Renaissance..: la Religion était fondamentale, une ontologie, il ne
venait qu'à des fous, des possédés, des hérétiques de banaliser,
objectiver, disséquer, utilitariser la religion. Elle était tabou.
C'était même inconcevable. Aujourd'hui soumettre à la science l'Art
lui-même est autant inenvisageable que fut soumettre à la science la
Religion dans le temps.»
Je lui disais, « calme-toi, tu as
raison, » mais il continuait : « Il
a fallu attendre encore des siècles, trois, quatre, pour qu'on arrive
à soutenir, à défendre - pas encore en débattre - qu'elle fut un
symptôme. Après les hystéries révolutionnaires, c'est en 1900
seulement qu'au titre de la Psychanalyse, on a envisagé que la religion
sourdait d'une névrose, et par conséquent qu'elle était un
refoulement.»
« Oui, oui.. on a dit ça. Mais
maintenant c'est fini. Tranquillise-toi, on ne parle plus de tout ça...
c'est passé, tout va bien.»
J'essayais de le distraire et le détendre, mais ça l'aggravait ! « Précisément,
» répondit-il fiévreusement, « c'est la même chose qui se passe ;
c'est l'Art maintenant qui est à la place de... De l'intouchable
religion nous sommes à l'Art intouchable. Mais nous ne pourrons pas
éviter de réaliser un jour que l'Art est un symptôme, peut-être une
perversion ! C'est une pathologie qui nous enrobe le réel, nous le
cellulise, nous le celluloïdise..!»
Il se prenait d'agitation, je voyais dans ses yeux fous dilatés qu'il
commençait à dire n'importe quoi. Je dois avouer que moi-même dans
ces conditions j'étais ébranlé. //..
Le rapport est suivit du 221213
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