Ce à quoi on ne fait pas attention - par exemple la résurrection annoncée et la reproduction dans des mondes virtuels - sans parler des clones qui sont interdits ; par exemple les évolutions génétiques du corps humain pour l'adapter à de nouvelles conditions alimentaires ; par exemple l'ectogénèse qui consiste à cultiver des foetus dans des environnement extra-utérins et dont la technique arrive à notre disposition sans que les politiciens n'en parlent ; par exemple la connaissance des scènes primitives de nos religions dont on continue à ignorer les personnages et les sacrements oubliés mais pourtant fondateurs ; par exemple les vertus de la drogue si on en faisait un médicament ; par exemple l'Art de la Mémoire en psychanalyse, ou le système politique de son Modèle Optique, ou le Scandale en Bohème avec La Lettre Volée ; et par exemple l'intelligence artificielle dans la définition du monde écologique - tout ce à quoi on en fait pas attention, qui sont des fondamentaux, gros comme des maisons, des pavés dans des marres, sont aussi et particulièrement les mots tus qui pavent le chemin qui nous mène à la connaissance psychique. Nous marchons sur du refoulé.

   De l'Ecologie par contre on parle - mais sans faire attention au fait qu'elle représente quelque chose qu'on ne connaît pas. On croit que l'Ecologie est naturelle et belle. On néglige que c'est parce qu'on aborde une situation vitale extraordinaire, inconnue et extrême que, pour nous y préparer et face à quelque chose d'inconnu qu'on pressent, nous avons d'abord inventé le mot. Mais on ne sait pas ce que c'est que l'Ecologie. Si Ecologie ne signifiait pas la situation nouvelle, que l'on ne comprend pas dans notre rapport à la nature, il faudrait inventer un mot propre à indiquer ce qu'on ignore encore, car on se rend bien compte qu'il y a quelque chose qu'on ne pige pas. Heureusement, nous n'avons pas besoin de créer un nouveau néologisme ; le terme Ecologie est là et il y suffit. Or si Ecologie signifie ce qu'on cherche à comprendre dans les impératifs vitaux, c'est progressivement en définissant ce mot récent, nouveau-né, que de manière concomitante on connaîtra mieux ce qu'il signifie et qu'on cherche à comprendre.
   En cette conquête de l'inconnu, l'étape qui suit la mise au monde du mot est celle que constitue l'identification de ses objets. Les conquêtes de la connaissance ont déjà établi les objets physiques, existent aussi les objets biologiques, les objets symboliques, psychiques etc.. et nous serions au point de qualifier aujourd'hui des objets d'écologiques afin de savoir ce qu'Ecologie veut dire afin de savoir ce qui se passe dernièrement et prochainement entre notre environnement et nous. Par l'objet de l'écologie, nous allons découvrir ce qu'est l'Ecologie.

   D'objet écologique nous n'avons que la notion d'espèce et celle de niche. C'est maigre ; leur histoire montre que ce sont des objets encore primitifs ; ils sont inégaux au potentiel que promet une exploitation de certains objets psychiques. Pour exploiter cet objet (psychique) d'abord mis à jour par la psychanalyse, il est productif de noter que, dans l'effort que l'on fait de traiter et d'user du terme Ecologie, on n'assigne à ce terme pratiquement jamais rien de notion d'électronique, de cybernétique et d'appareils intelligents - au contraire, en silence on les préjuge généralement comme anti-écologiques. La psychanalyse par contre, une fois éliminé un léger égarement de sa résistance, se révèle extrêmement et intimement jusqu'à y être assimilable, liée voire fondue à l'intelligence artificielle. 

   J'ai depuis longtemps et longuement insisté sur le rappel que le lacanisme s'inaugure (Séminaire sur La Lettre Volée) de révéler la psychanalyse pour être l'humanisation de la cybernétique. Dans son analyse du Transfert Lacan révèle à quel point cette objectivation traduit le rapport qu'engage l'être humain avec un ordinateur un tant soit peu intelligent et comment ce rapport conclut à une déchéance qui est celle que l'on voit dans la dégradation actuelle des rapports humains face à la machine environnementale. L'être humain plus robotisé que ses propres robots dans la mesure où inéluctablement il les idéalise offre le modèle scientifique par lequel l'Ecologie s'éclaire comme une science. La déchéance qu'on y entrevoit n'est pas différente de celle que l'on a critiqué du darwinisme (et de sa déchéance de l'homme singe). Le post-humain ^_3_ sonne l'alarme. Et puis soudain les machines redeviennent nos alliées, elles se mettent à adopter et soigner nos corps que nous avions abandonnés. Mais nous sommes des enfants.

   C'est pourquoi cette identification au corps possible n'atteint pas encore l'objectivité radicale qui puisse faire de cette écologie une science praticable. Pour cela il faut gagner la stricte identification comme ce qu'on appelait ci-dessus objet - un objet partiel au lieu de procurer le corps humain comme celui de l'écologie. Or le modèle lacanien de la psychanalyse montrant qu'elle est l'humanisation de la cybernétique, révélant donc cette dernière jusqu'alors tabou dans l'écosystème, rappelant - et à la cybernétique et à l'écologie - la mémoire de l'enfance par où l'évolution au sein-même de l'espèce ^_4_ se conçoit, poedomorphose , apporte son propre fruit, à savoir l'objet partiel, autrement dit l'objet de la pulsion.