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table |
part I Antichambre |
Les choses qu'on comprend, on ne les sait pas.
Les choses qu'on ne comprend pas laissent une chance de savoir
que ce que l'on comprend n'est pas ce que l'on sait.
Confu Su - du Chinois moderne de Sens Sûr
Entré au bar Fort Boss ; il s'est frayé la voie par le travers d'une foule d'étudiants et professeurs, dans la brasserie aux salles multiples et immenses, au décors orange et rouge, de Bosstown. Centre ville. Tous les soirs un mélange d'intelligence et de faiblesse s'y groupe. Des gens d'université donc, mais la belle démarche de la science sera une farce en ce lieu ; c'était le monde ; J.Stuart 10 cherche son nouvel ami. Normalement après une volée d'escalier, là où des tables permettent de discuter à deux ou trois. Mais personne. Ah! si. De l'autre côté il verra Neiwer 20 , l'inénarrable mathématicien qu'il commence à connaître, toujours à côté de la plaque par distraction, à droite quand il a rendez-vous à gauche. Stuart en profite pour l'observer un moment. À travers l'éclairage coloré et par l'humide fumée, il regarde l’homme stroboscopé par la pagaille des clients et serveurs. Impossible de savoir s'il attend les martiens ou si ses lunettes épaisses de myope se fendillent sous l'effet d'une de ses idée géniales. Il est seul à une table, assis devant un verre vert et griffonne un calepin jauni par la lumière qui tombe d'un plastic en forme de tournesol de nuit . Il ne jette pas d'ombre d'un doute qui semble inoffensif à un lion tel Stuart - lui, Stuart, déjà habitué du tard de ses vingt ans, à influencer les hommes et bientôt les diriger - le jeune ambitieux n'en doute pas. Il s'attarde ; son observation ne lui permet pas encore d'imaginer quel âge Neiwer peut avoir. Est-il professeur ou est-ce un étudiant du Mitoy 30 où Stuart est en prépa ? C'est Nath qui les a mis en contact. Tout de suite il fut bon. Stuart n'attend plus, il franchit le dernier rideau de la foule et gagne la table où Neiwer boit sa menthe.
-- Bonsoir, vous êtes en avance.
Le visage de l'homme sort du jaune et s'illumine : « Ah! Bonjour, je ne vous
attendais pas ! C'était Nathalie qui devait..
-- Non, Nath est en Sardaigne » répond Stuart «
Partie hier. Mais avant
de partir elle nous a
aménagé un moment pour que nous soyons seuls.
-- Magnifique ! Alors selon ses vœux » se réjouit le mathématicien
« nous allons pouvoir
discuter dans ce merveilleux établissement. Asseyez-vous, ils nous serviront bientôt.
Neiwer balaye la table d'un encombrement
imaginaire. En fait il poussera son seul verre vert et reloge le crayon dans son carnet. Le reste de la table était vide. Stuart
s'étonnera de voir cet homme si brouillon et distrait d'un côté pour un autre
côté, si sûr et autoritaire. Ce curieux mélange se mêle à l'énigme
du statut du personnage. Tout compte fait, c'est un professeur
en passe d'être un professeur.
-- Vous travaillez sur une thèse depuis plusieurs
années..» déclarera-t-il en prenant
place. C'était la manière que Stuart prise à poser une question générale. « Nath est passionnée par vos travaux. Je crois qu'elle est presque
tentée de quitter la botanique pour se mettre aux mathématiques. C'est
certainement votre influence.
-- Certainement pas ! » s'esclaffe l'homme aux lunettes «
Une femme aussi
jolie n'est pas influençable. Je crois en effet qu'elle n'est pas
insensible à ce que les mathématiques peuvent effleurer de la
politique, mais je soupçonne que ce soit son père, ou son fils, qui lui donna ce goût.
-- Nathalie a un enfant !? s'étonne Stuart qui sait que son amie a le
même âge que lui.
-- Je ne sais pas en fin de compte. Statistiquement c'est peu probable.
Mais je n'ai pas dit que son père n'était pas son fils.
Stuart comprend que son enquête prend fin pour le
moment. Les caractéristiques de Neiwer seraient à reprendre un autre jour. Il
a l'impression de se trouver dans les cordes dès le premier contact. Aussitôt
eut-il cherché son âge et
sa fonction, qu'il se retrouvait avec l'âge de Nathalie et la confusion des
générations. De surcroît Neiwer, qui n'embrouillait pas ses temps, commençait sans
détour à
parler de ce qui le passionnait :
-- Le père de Nathalie est un communiste, c'est une évidence. Vous avez
vu ses lunettes. Les lunettes de Nathalie ; c'est la seule chose qui soit triste chez elle. Mais le
communisme aurait bien fait de s'avertir qu'on peut mesurer les influences, de l'information sur les comportements,
par les mathématiques bien mieux que par la propagande. Ce doit être un
communiste dissident. Elle veut sauver son
père, notre Nathalie.
-- Admettons qu'on ne comprenne rien aux femmes. Est-ce que c'est cela
qu'elle redoute ? Est-ce que vos mathématiques recèlent le pouvoir
d'expliquer les femmes mieux que le communisme ?! » et hélant un serveur : « un whisky, s'il vous plait.
-- Pour moi aussi » hèle aussi Neiwer et,
s'adressant à
Stuart : « permettez-moi de vous l'offrir, et je ne bois pas que du sirop.
Le serveur s'approche et débarrasse la menthe pour passer
aux choses sérieuses. Ce qui insurge Neiwer. Il arrête sa main ; la saisit dans une poigne d'acier « Garçon, quand votre mère vous
retirait le sein, n'aviez-vous pas plein de tétons en tête ? Ne dites pas non
! » il a l'air furieux « Mais vous n'aviez
toujours aucune idée de ce que votre père avait, lui qui en était si fier. Eh
! bien j'ai été comme vous, et ne me le faites pas revivre »
il a l'air innocent « Laissez-moi ma
menthe pour que je n'ai pas à me la barrer dans la mémoire et laissez-moi m'attendre
à découvrir l'eau de feu que je n'ai pas encore vue sur la table.
-- Lâchez-moi » ordonne l'employé saisi
-- Je vous ai donné un cours de cybernétique
gratuit » atténue le consommateur « voyez-vous
: vous savez ce que vous pouvez nier en le barrant »
et il fait un signe de doigts croisés signifiant
menthe ou dans l'exemple sein
« ..et regardez-vous : ce que nous n'avez même pas en
tête vous pouvez le nier encore ; dans ce cas vous le couvrez de la barre,
avant qu'on ne le remarque » et il fait un autre signe de doigts l'un
couvrant l'autre signifiant
whisky voire ou
phallus « Dans
le premier cas vous vous en souvenez, dans le second vous ne le savez pas encore »
-- Malgré tout je préfère un pourboire »
proteste le barman gavé de tous ces étudiants et professeurs qui le prennent
pour cobaye à longueur de service.
-- C'est un comble ! un pourboire pour un serveur de
boisson ! C'est à croire que vous connaissez là une troisième forme de
négation » réplique gentiment le professeur « mais
vous l'aurez s'il ne s'agit que de liquide dé-tasse qu'est.
Le serveur vexé laisse la menthe qui lui est interdite
à prendre et va chercher ce qui
n'est pas mais qui est commandé.
Revenant à la conversation, Neiwer à Stuart : « Il faut que je sache à
quel niveau de l'intellect nous communiquons si nous devons parler
sérieusement. Tel les moyens de la négation pour écrire ce qu'on ne sait pas.
Notre amie nous en a certainement dit beaucoup au sujet l'un de l'autre, mais
elle n'a pas précisé l'objet de notre rendez-vous. Est-ce la
sexualité, la politique ou la science pure que nous devons sillonner ce soir ?
-- Eh bien, j'ai compris que vous vouliez enseigner
à cet esclave les manières d'être en n'étant pas, mais j'observa que cet homme existe
beaucoup plus dans le pas-être que dans le paraître. J'ai suivi le cours sur
le niais et le nié qu'on écrit en Hyperintelligence,
respectivement
intelligent et
intelligent »
répond Stuart, à côté mais mimant un snob
intello en articulant les temps. Mais c'est en semblant qu'il mi-ment car bien que jeune étudiant, Stuart
n'en est pas à sa première excursion dans la production. Il a commencé à
écrire. Il y a trois ans, une nouvelle qu'il avait adressée à une maison
d'édition, avec la certitude qu'elle serait acceptée, avait en effet été
éditée. Et il avait déjà depuis produit six textes, également édités ! Son
assurance lui avait servi ; il avait autant d'aplomb qu'il était chic.
Cependant de tels succès précoces n'auraient pas pu se produire sans une qualité
véritable ; « Mon but est de conduire les hommes »
poursuit-il « je vous répète ce que Nathalie dut vous
dire : il y a trois ans, j'ai
adressé une nouvelle à une maison d'édition, avec la certitude qu'elle serait
acceptée. Elle a en effet été éditée et j'ai produit six textes, également
édités. J'ai du talent et, comme je l'ai su par le passé.. à présent
je le sais.
-- Alors vous avez besoin de techniciens » répond
le savant mesurant l'audace et le métacirconvenu de l'interlocuteur.
-- Je serai technicien au contraire et j'agirai
seul, c'est pour cela que je traîne dans les universités en préparation de ma
carrière littéraire.
-- Donc en effet il vous faut suivre des conseils de science pure »
réplique Neiwer la mesure prise. Chacun cherche la dominance.
-- Inverseriez-vous pas la place de la
littérature dans l'ordre des conseils ; ne pensez-vous pas qu'elle soit supérieure à la
science ?
-- Certainement je le pense » reconnaît le
mathématicien maintenant prêt à jouer cartes sur la table où il n'y a qu'un
carnet : « C'est pourquoi il me semble nécessaire que les
mathématiques s'affrontent à l'information. Le "Savoir", somme
toute, que la littérature brasse et manipule avec une expérience millénaire,
est une somme d'informations. Par temps qu'il peut être ainsi composé, il y a de
bonnes probabilités que les mathématiques reprennent le dessus.
-- C'est bien ce que m'a dit Nathalie : vous pensez que la mathématique va
fournir au savoir une puissance comparable à celle que les machines ont donnée
à l'humanité sortie de la paysannerie et de la chasse à courre. Eh! bien, je
ne sais pas si je suis votre homme, mais pour le moment certainement : je suis
votre oreille.
Le serveur a amené deux whiskies en se tenant à bonne distance de la
table. Stuart boit une gorgée, se cale pour se mettre à l'écoute. Le jeune
ambitieux claque
la langue et fait tinter les glaçons comme le grelot d'une sonnette ; elle sonne le début de l'explication de l'autre. A
nouveau Neiwer fait le vide imaginaire sur la table devant lui, rangeant pour
l'instant les alcools du côté de sa menthe et son carnet de l'autre avec son
crayon dedans. Il fixe à travers ses lunettes rondes un regard pointu qui
fouille les paupières mis closes du jeune homme qui s'est mis à l'affût.
-- Vous pouvez renoncer à tout espoir » annonce
terriblement le
mathématicien. C'est un premier choc « Vous n'obtiendrez rien qui puisse vous servir dans la manipulation des êtres
humains. En se plaçant au-dessus de la littérature, les mathématiques vont
demeurer totalement inutiles. Elles sont d'une autre sphère. Vous devez même
vous sentir menacé ; car ce qu'elles risquent d'éclairer, c'est l'inutilité
de la littérature qu'elle va soumettre à sa sphère à partir du moment où
elle va la dominer. Ce sera doublement inutile.
Les yeux de Neiwer cherchent une réaction. Ses mains attendent un
son ou un frémissement pour passer l'une sur l'autre. Mais rien. Stuart ne cille
pas d'une paupière.
Il attend que son interlocuteur lui livre quelque chose de plus consistant
qu'une esbroufe supposée lui faire peur.
-- Si une moindre consistance du Savoir peut être extirpée par un
chiffrage, elle sera immédiatement confisquée » Là, le savant marque
un point. Il force l'homme
pratique à se débusquer. Il n'annonce plus seulement joliment que les mathématiques
sont du pur pur, mais accuse dans le vif que si quelque chose n'en était jamais
tiré ce serait en pâture au vol.
Mais l'écrivain en a de son côté, une bien bonne à sa
disposition. Il n'a pas produit de textes qu'accueillis ou refusés, il en a
aussi produit de disparus - du moins un : Les Envahisseurs de l'Infini
titrait-il aussitôt envolé - la conjonction d'un vol de ses bagages, perdus
avec ses propres manuscrit, et d'un incendie dans le dépôt de l'éditeur,
avait destiné " les envahisseurs " aux sphères les plus pures
du vide plus vite que personne l'eut lu - par conséquent là où le
mathématicien le provoquait, il annonçait sa réplique.
-- "La chose"..» dit Stuart avant de prendre une seconde
gorgée de son verre, puis en reprenant « la chose
est ce que je décrirai... par ma littérature »
souligne-t-il avec emphase, révélant le projet de ses
prochains romans « La chose de l'infini reviendra de la science, notamment de son sillon dans l'Espace. J'en ferai mon
Opéra-Sillon ; et sa puissance sera telle qu'elle mettra en péril toutes les
polices, les armées et les États de planète Terre. Plutôt qu'un vain sûr
volé , c'est plutôt elle, la Chose d'un Autre Monde
40 , qui risque de confisquer la terre à
l'humanité.» Puis réagitant les glaçons de son verre comme une
sonnette en commandant une nouvelle réponse au savant : « Sauf le
respect de leur beauté , c'est à vos formules de démontrer si ce sont les
forces du pouvoir et de la politique qui confisqueront le Savoir qu'elles auront
prétendu posséder pour manipuler les masses. Si les mathématiques n'arrivent
pas à le démontrer, elles sont un bluff et la tyrannie a bien raison de s'en
taper.
-- Bigre ! » répliquera le mathématicien. «
Vous réclamez de la
science qu'elle désarme les dirigeants des armes qu'elle leur procure !
-- Vous la mettez même au défi » ajouta-t-il pour que l'écrivain sache bien
ce qu'il voulait doubler « et vous défiez que les secrets de la nature qu'elle
dévoile, ne soient aussitôt classés par les États, comme des Secrets d'État
afin qu'ils réaffirment leur pouvoir d'imposer l'ignorance et donc de paralyser
les masses en leur pouvoir.
-- C'est bien ce que j'attends de vous » répondra Stuart en portant pour
la troisième fois son verre à sa bouche. Mais cette fois la sonnette tinta
avant qu'il but, parce qu'il tremblait.
En cette époque, une âme damnée d'un
célèbre psychialiste norvégien était au Gouvernement. Il régnait à
la tête du Ministère de l'Opinion. L'université Mitoy en dépendait
étroitement. De nombreux cours y sont dispensés, traitant de chaque
organe de ce ministère. La difficulté d'en faire une synthèse
s'effaçait devant l'unique publication du premier mois de l'année,
ayant traité de la fabrique du consentement par les premiers
indicateurs statistiques. Avant cela, le tissu du consentement avait
été artisanal, au pire psychologique. Que fut ou pas damnée l'émanation du fameux psychologue importait peu, en vérité, aux universitaires qui cherchaient, par vocation, à contrôler leurs affects en vue de scruter en même temps les deux faces de la vérité. Fatalement c'était une neutralité qui laissait libre Dernays 50 - ce fils incestueux de la femme du norvégien - de dire que la liberté était une "opinion" mise en scène par une industrie politique, qui par ailleurs tenait secrètes l'administration de l'esclavage effectif de la population comme ses opérations d'éradication de la violence par tous les moyens. C'était un système mental complexe comme un cul, mais à la perspicacité exercée des étudiants une loi du secret ressortait, belle et bien pratiquement, faîte du tabou des trous. Les universités norvégiennes en avaient même fait une loi sociale comme il existe une loi de la gravité dans l'espace cosmique. Stuart appartient à une classe minoritaire, fort critique à cet égard. Elle n'admettait que, du fait de n'avoir pas de bout, un trou fut forcément tabou. Elle pense la chose bien plus subtile, intelligible dans ce recours à la loi. Pour Stuart et son cours facultatif de pataphysique franche-aise, le secret d'État est une opération double, où la population joue une part égale à celle du pouvoir. Elle en est complice, de sorte que le secret est connu de tous, mais inavoué. Or c 'est une situation fort différente de celle du secret secret. Au lieu d'une fatalité récente - comme le tore Ounap'poziticapicapelitic Capothull fagalicapagalic 60 - qui l'attacherait à tout ordre représentatif d'état moderne, ce serait un syndrome, d'une extraordinaire antiquité. Peut-être serait-elle apparue avec une homosexualité préhistorique. Les recherches sur ce point étaient en cours. En tout état de cause, on dénommait ce syndrome "Homopouvoir", qui fonctionnait comme une sorte de placebo inversé - ce qui est en bref la réputation du secret qui s'auto-entretient. |
Boris Neiwer portera ses lèvres au vers. Faisant claquer sa langue
- sans succès, la menthe était trop sucrée.
-- Vous pensez sans doute que j'estime que mon savoir mathématique, la
mathématique du Savoir de ce que nous nommez chose et que j'appelle cybernétique, serait rendue
inefficace par l'attraction du secret. J'aurais quelques clés de cette fameuse loi de
gravité de la
situation qui rend le gouvernement si lourd et grave. C'est effectivement ce que je vous ai permis de
croire que je crois.
Durant son explication le mathématicien avait dégainé le
crayon de son carnet de cuir et le tournait autour du verre sirupeux. « Mais je
suis parfaitement averti de l'opinion - dont je ne méprise par l'intérêt - qui
estime que l'opinion est unique et unifiée. Dans cette salle de restaurant, je
pense que 97% de la population pense que ce Savoir, comme n'importe quel savoir
tenu au secret perd son applicabilité du seul fait de la forme qu'il prend : en
réalité il reste répandu ; ce qui l'affecte est qu'il est circularisé. Je suppose que
vous l'appelez aussi l'effet bossépla.
-- Effectivement » approuvera John Stuart. «
C'est du fait de ces
déformations qui apparaissent sur l'uniformité de l'opinion, que
l'appréhension d'une "chose" ne peut pas être gommée sur le plan
général de la propagande.
-- ... et du départ de quelque "chose", l'apparition d'une
bosse
65 sous la platitude d'une couverture d'opinion fait d'abord penser un
potentiel sexuel. Vous voyez que je connais l'ébat qui nous vient de Norvège.
-- C'est exactement ce que nous critiquons » affirma Stuart qui
n'hésitait pas à avouer son opinion « une
sexualité de fraude est l'alibi
d'un vrai placebo. Vous n'allez pas nous égarer là-dedans !
-- Non! Non,» rassurera Neiwer « Nous y reviendrons peut-être un jour.
Mais ce n'est pas d'une inapplicabilité formelle dont je vais vous parler. Je
suis proche de démontrer que c'est une inapplication foncière qui frappe toute
ma cybernétique. Je ne tiens même pas compte de savoir si une chose
couverte, continue à produire des effets qui tournent en ronds, et je ne
discute pas qu'à la place d'une chose on puisse placer une sexualité à l'ibid
Ooooo ; je peux vous montrer que la cybernétique, c'est tellement vrai, que ça
plonge immédiatement dans les abysses des phénomènes sans mots. Tant que par conséquent vous auriez tort d'espérer vous en
servir. À moins qu'au lieu de conduire des hommes, vous ne souhaitiez
qu'héberger des idées.
-- Je suis prêt à abandonner toute forme de formalité !
C'est clair ?
-- Parfaitement.
Et Neiwer abattit son crayon sur le bord du verre qui émit un
unique mais plus solennel tintement que tous les glaçons agitatés
n'espérèrent jamais dépasser.
-- Je dois vous l'écrire, sans ça on ne l'entend
pas » dit-il en ouvrant le carnet sur la table «
Voici la formule générale de l'opinion : S*n
»
Et il revint ensuite sur la première
lettre : « '
S ' c'est le Savoir,» continuera le mathématicien «
et ' n
', c'est le
nombre des individus de la population. Lorsqu'un de ces individus est
privé du savoir, on l'écrit :
n . Est-ce que vous me suivez?
-- En effet
j'entends "
n ",
si le trait sur le ' n ' figure l'annulation mathématique
de l'existence selon l'opposition moderne à l'aristotellicisme qui avait promis
en son temps une science de l'existence » répond
Stuart en cachant un doigt sous l'autre doigt comme l'avait fait Neiwer en
commandant sa boisson. Il
répondait ainsi qu'il comprenait et suivait jusque là.
-- Plus tard, nous verrons plus tard ce qu'il y
avait si tôt qu'en remontant à la Grèce Portique » tempère Neiwer «
Tenons-nous en pour l'instant-même à l'individu qui ne reçoit pas l'information.
-- D'accord.
-- Aussi grand que soit le Savoir, aussi petit d'ailleurs qu'il soit, la
moindre présence de ' n
' le réduit considérablement. Et ceci n'a rien à voir
avec l'effet bossépla ou son inverse. C'est plutôt quelque chose qui
s'assimile à l'effet du 'zéro' sur une multiplication. Le zéro qui s'insère
réduit Tout à zéro. Ici je l'appelle l'effet " duper " -
l'effet duper c'est quand un ' n ' sans savoir, ou par excellence un
individu détrompé, s'insère sincèrement dans la chaîne de l'information quand c'est une
chaîne de mensonges. Les psychialistes
70 de la Renaissance avaient déjà montré
ça avec une chaîne de nœuds magiques. Un seul ' moins-un ' et.. pffft !
tout le savoir est
réduit
à une foutaise. Pensez à Dieu et tout ce que vous savez devient ridicule. Bref, le S° - le
savoir de l'opinion - ce qu'on appelle en média, tout simplement l'
"opinion" - est rapidement, vertigineusement dégradé, aussitôt qu'on intègre
n . Donc si
on peut écrire
S* n
= S°
, cette opinion est inhibée dans une proportion
pratiquement absolue si « S* n
».
Stuart avait l'air de réfléchir et réfléchissait vraiment.
-- C'est ma seconde loi » poursuivit Neiwer. « Moi aussi je me sers de
lois, mais elles sont purement mathématiques. Quel mensonge que de parler de lois
de la nature ! la nature est hors-la-loi. Il n'y a de lois que mathématiques et, approximativement
quelques unes en sémantique mais ça c'est votre domaine.
Stuart se secoue la tête et tout le corps, comme pour se
réveiller.
-- Vous voulez dire que le placebo, son pas-plat qu'on écrit
comme ça » fit l'étudiant en se saisissant du crayon du maître et en traçant
sur son carnet :
plat « ne sont qu'un réduit dans une seule loi, que vous réduisez à nulle, en
mettant à la place de la 'réputation' une 'susceptibilité' extrême qui
transforme tout savoir pratique en un château de carte.
-- C'est une peu ça » répond Neiwer
soudain raide et reprenant vivement son crayon
des doigts de Stuart pour écrire aussi rapidement : «
S°°
80 » . Et ému et claquant le carnet et rangeant le crayon dedans..
il range le carnet dans son veston et le fermant se range en se reculant et en croisant les bras pour
dire comme ça suffit s'immobilisant dit : « Je crois
que nous sommes allés très loin. Nous avons fait un bon bout de chemin et, si
vous voulez, pour qu'on s'en souvienne, j'ai écrit cette seconde loi de l'opinion
en redoublant son indice. On pourra partir de là la prochaine fois. Et si nous
allions voir les copines de Nathalie maintenant.
Stuart semblait hésiter et sortir d'un monde étrange. Il avait
terminé son whisky mais ce n'était pas ce qui pouvait hypnotiser comme ça. En
entendant Neiwer parler de filles, il sourit en gardant les yeux dans le vague.
« C'est bon! » glapit Neiwer, qui siffle son verre entier
(sauf le verre) d'un coup (pas le
vert) et se lèvera brusquement et Stuart suivit.
Il y avait au fond de la salle du bas une agitation et des
éclats de rire aigus auxquels il serait impossible de résister.
(dans la poche remis bien caché, le carnet de Neiwer vibrait
furieusement)
notes :
05 : La première édition des13chap de Lascène a été illustrée par la plus célèbre des affiches de guerre, crée par Alfred Leete, figurant Lord Kitchener pointant directement l'observateur (elle indique la propagande au motif de l'examen de LASCENE) -- en cours d'écriture 20140620 un dessin humoristique a été monté en alternative (la doesn't matter est considérée comme une allusion à la négligence en laquelle le pouvoir, dark & anti, tient le point de vue populaire, ésotérique ou fictionnel ). | ||
10 : John Stuart = nom de plume de John
W.Campbell 20 : Boris Neiwer = Norbert Wiener 30 : Mitoy = M.I.T - Massachusetts Institute of Technologie (où Campbell et Wiener se sont rencontrés et liés d'amitié) 40 : La Chose d'un autre monde (The Thing from Another World) est le titre du film d'après le roman de, John W.Campbell/Stuart, Who Goes There? écrit en 1934 50 : Dernays = Edward Bernays (double neveu de S.Freud - fils de sa sœur et du frère de sa femme) 60 : Discours S.Dali Paris/1967 introduisant la femme couverte de métal (Amada.L & Paco.R) 70 : " psychialiste " est le terme emprunté à Donald Kingsbury : Psychohistoire en péril publié:2001 80 : Neiwer a adopter le symbole du Semblant, S°, pour représenter le Savoir de l'Opinion - permettant d'écrire S°° le sujet de l'opinion qui n'a pas ce savoir, ou "double semblant" (voir aussi C5) |
Enregistrement vidéo
du commentaire / DWT sur Lascène.Chap.1
suivi des notes/résumé dudit commentaire
:
La
vidéo-conférence commentaire du Chap.01 s'est déroulée le 20140123 à
20h. Les soubassements de trois éléments de ce chapitre y ont été
explicités. La description d'un savoir collectif par Neiwer
est basée sur un temps logique exposé par J.Lacan. Ce temps
logique matriciellement composé de trois termes semblables (sophisme
des trois prisonniers) est extensible à un nombre infini de
semblables, formulant alors un temps, social, collectif, c'est à dire
l'histoire ou son temps historique. Illustrativement le blason de la
famille Borromée (Renaissance, Milan) matérialise l'algorithme à trois
(nœud borroméen) et sa figure sociale se présente comme ceci :
fig.50 et 60 nœud à trois et chaîne à n.. A quelqu'endroit de cette série à n éléments, un seul de ces anneaux s'ouvre et tous sont libérés, s'éparpillant chacun indépendant. La vertu de cette logique - et de ce nouage - permet que Neiwer prétende qu'en démocratie - caractérisation du fait que le savoir est collectif - qu'une seule personne soit frappée d'insu et aucun ni rien ne peut garantir ni se garantir dudit savoir. Secondement l'emploi
par Neiwer du " S°° " pour écrire ce chaînage
crucial, fait également suite au développement lacanien. L'insu
décomposant ledit savoir doit être indiqué parmi les formulations la
négation. En bref, un maillon isolé de la série démocratique est
écrit S1 mais enchaînés les anneaux s'écrivent - et soutiennent le
savoir : S2. Pour insu, un maillon ouvert est une négation de S1, et il
annule S2. La recherche de Neiwer est au point où il désigne un double semblant pour indiquer l'insu spécifique formé par les conditions modernes de la propagande. Ce double semblant - du
sujet qui n'est "o" ou zéro qu'en indice, exposant ou indice au
carré - est une formulation romanesque. Lascène n'est pas un traité
théorique - sinon les traités théoriques seraient des textes chiffrés,
des cryptogrammes masqués en romans, voire des semblants de textes
théoriques redoublés. Le S°° est à ranger comme une formule
surréaliste en peinture. Il image un quatrième élément et motif de
Lascène : Dans cette formule qui unifie la cybernétique et la psychanalyse, les deux diagonales représentent ces deux couples croisés : (a) & (a') avec le Sujet & l'Autre. Ces dioscures - autrement dit, en exploitant l'anagramme : ces "discours" - sont chacun traité par le régime de la négation ci-dessus décrit. C'est ce qui les qualifie "dioscures". Le premier chapitre ici commenté met en scène un tel couple : Neiwer et Stuart. La fin du commentaire mène à la personnalité féminine, gestante ou génératrice de l'appareil. |